Zahra's paradise

 
Il y eut une gigantesque manifestation sur la place de la Liberté à Téhéran, le 15 juin 2009. Trois millions de personnes s’étaient rassemblées ce jour-là et s’indignaient de s’être laissé voler leur vote et de voir Mahmoud Ahmadinejad reconduit au pouvoir.

Le jeune Mehdi, 19 ans, participait à cette manifestation, mais il n’est pas rentré chez lui après ni n’a donné de nouvelles, et ça, ce n’était pas normal…

Sa mère et son frère se sont alors mis à sa recherche, écumant les hôpitaux et les lieux où ils auraient pu glaner la moindre information, mais cherchant aussi dans les morgues et les cimetières… Un véritable bras de fer contre les autorités et l’administration iraniennes qui n’hésitent pas non seulement à user des moyens les plus terrifiants pour étouffer la contestation mais qui n’hésitent pas non plus à mettre les bâtons dans les roues de ceux qui tentent de chercher leurs chers disparus…
 

Par sylvestre, le 25 septembre 2011

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Notre avis sur Zahra’s paradise

 
Cette œuvre est une fiction, mais elle s’inspire de faits réels et tragiques que souhaitent dénoncer les deux auteurs Amir et Khalil qui, pour signer cette bande dessinée, ont d’ailleurs dû employer des pseudonymes tant ils ont à redouter du système auquel ils s’attaquent. Le scénariste est en effet irano-américain (et militant, de surcroît) et il est clair que vus la manière avec laquelle il dépeint le régime des ayatollahs et ce qu’il nous dit de certains de ses rouages, se faire identifier pourrait le mettre en danger mais aussi, pourquoi pas, des parents à lui résidant en Iran…

Cette quête de la mère et du frère de Mehdi est un fil conducteur idéal pour nous apprendre des choses sur toutes ces administrations et tous ces services aux portes desquels ils vont frapper, et tout aussi idéal pour nous montrer de quelles horreurs les décideurs et les hommes de main sont capables dans l’Iran contemporain. Les parents enquêteurs sont en outre d’excellents guides pour nous dans un Téhéran moderne dont on rencontrera plusieurs types de citoyens et citoyennes : des gens bien, naturellement, mais aussi de ces miliciens zélés et fanatiques qui font si froid dans le dos et à qui des œuvres comme le livre de Betty Mahmoudi (Jamais sans ma fille) avaient notamment déjà fait mauvaise presse…

Le fait est que le déclencheur de cette histoire est la manifestation populaire du 15 juin 2009. Hier, comme qui dirait. Et c’est là où ça fait froid dans le dos ! Car si l’effet Jamais sans ma fille s’est quelque peu tassé avec le temps, Zahra’s paradise nous rappelle entre autres à plusieurs reprises cet événement que le monde entier a vécu presque en direct il y a peu grâce à un film fait depuis un téléphone portable : l’agonie de Neda. Là, ça nous parle plus, hein ?! C’est plus frais, ça se "rapproche"… Et là on se rend compte que oui, de nos jours encore, certains régimes – ici pour ainsi dire une théocratie – méprisent leurs peuples au point que leurs vies n’ont pas de poids devant les ors du pouvoir. Et les auteurs de dénoncer tout cela : l’hypocrisie, les menaces, la corruption, l’inhumanité… Des choses qui heureusement ont de plus en plus de mal à passer dans un monde où internet – quand il n’est pas coupé ou censuré – permet aux gens intelligents de se rendre compte si leur pays va mal ou non…

Avant d’exister sur papier, Zahra’s paradise a justement connu une diffusion en épisodes via internet (depuis les Etats-Unis où ces épisodes ont été réalisés). Inhabituel pour un roman graphique. On notera d’ailleurs que la première vignette de quasiment chaque chapitre du récit montre un écran d’ordinateur donnant comme un sous-titre à ces chapitres ; cela donne au livre un "rythme" comparable à celui d’un blog sur lequel son auteur mettrait en ligne chaque jour de quoi a été faite sa journée.

Après les planches de la bande dessinée, un cahier supplémentaire propose de très utiles repères aux lecteurs ne connaissant l’Iran "qu’en surface" comme beaucoup de gens : autant d’éléments qui aident à la compréhension (et à l’envie de se révolter !), qui vont plus loin dans l’information et qui imposent même au lecteur cela dit touché de la connaître la litanie des 16901 noms du "Mémorial d’Omid" rendant hommage aux 16901 personnes à ce jour recensées victimes, comme le fictif Mehdi, de la politique répressive iranienne…

Portée par un idéal dessin semi réaliste, Zahra’s paradise est une œuvre de grand intérêt criant à son tour au monde entier un terrible secret de Polichinelle. On est effrayé par ce qu’on y apprend et par ce qu’on y comprend ; on est également forcément touché puisqu’en attendant les poignantes lamentations de sa mère et l’exil de son frère, on s’est mis nous aussi tout du long à chercher Mehdi… Avec espoir…

La BD peut être autant qu’un autre un support de qualité pour jouer un rôle d’information et d’aide à la prise de conscience. Zahra’s paradise le prouve une fois de plus ; au catalogue de la superbe collection Ecritures des éditions Casterman.
 

Par Sylvestre, le 25 septembre 2011

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