Le voyage d'Abel

Habitant un petit domaine décrépi près de la bourgade de Reclesme, le vieil Abel mène une vie routinière, simple et tranquille, rythmée par ses obligations bergères, entre chien, vaches et biquettes. Etant seul, il ne peut s’empêcher de ruminer sur sa situation qu’il n’a jamais voulue mais qu’il a dû accepter à cause du départ de ses frères. Le jour du marché, comme d’habitude, il descend au village. Il attend toujours le moment propice pour faire sa commande à la jeune charcutière ambulante dont il a aimé sa mère sans le lui avouer de peur de la faire souffrir s’il partait de Reclesme. Il va aussi chez l’épicier/postier qui lui délivre timbres et guides qui vont lui permettre de voyager. Cette fois-ci, sa destination, c’est l’Ethiopie. Le départ n’a jamais été aussi proche pour ce voyageur que son entourage raille gentiment en le surnommant capitaine !

Par phibes, le 19 mars 2020

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Notre avis sur Le voyage d’Abel

Après avoir fait l’objet d’une autoédition en 2014 sous le couvert de la structure associative les Amaranthes, Le voyage d’Abel retrouve une deuxième jeunesse grâce à la Maison Bamboo et intègre, de fait, la collection Grand Angle. On ne pourra que saluer cette initiative éditoriale qui a le privilège de faire connaitre au plus grand nombre un récit ô combien empli de délicatesse et d’émotions.

Cet album, réalisé au scénario par Isabelle Sivan, met en évidence la vie d’un vieil homme, Abel, un rien taiseux, qui s’est enfermé dans une routine difficile à défaire. Berger de son état, les journées de ce personnage sont engluées dans un rituel qu’il n’a pas souhaité mais que son caractère peu expansif a induit quelque part. Il entretient toutefois l’espoir de partir un jour dans un pays étranger comme ici, l’Ethiopie.

A n’en pas douter, l’évocation de la destinée d’Abel se veut à la fois simple, un brin poétique et subtile. S’appuyant pleinement sur le caractère de son personnage central et sur ses intentions de quitter le domaine familial, elle nous donne à découvrir des moments d’une réelle sensibilité. Abel, vieil homme renfrogné, demeure des plus attachants. Perdu dans ses pensées, dans ses contemplations et dans sa rengaine qui l’empêche d’aller au bout de ses envies, ce dernier a tendance à nous faire vibrer émotionnellement parlant et même à nous faire rire bien volontiers. Ici pas de dialogues à l’excès (juste ce qu’il faut), pas de débauche d’anecdotes délirantes, mais une succession de tranches de vie rurale confondantes de générosité et de vérité.

Depuis Kochka (en 2002), Bruno Duhamel peut se vanter d’avoir fait un sacré chemin. En effet, le dessin semi-réaliste qu’il a su apprivoiser au fil des albums est réellement criant de sensibilité et nous fait voyager avantageusement. Dans cet album, l’artiste anime son personnage (et même son chien) de la plus généreuse des manières, en le rendant absolument attachant, tout comme d’ailleurs tous les habitants de Reclesme. Le travail est indéniable, délectable à souhait et impressionnant dans la restitution de la campagne profonde, avec un bleu gris dominant et des petits zestes de couleurs particulièrement sympathiques.

Un récit complet à découvrir urgemment !

Par Phibes, le 19 mars 2020

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