BERLIN (VO)
City of smoke

(Berlin 9 à 16)
Encore dans les vestiges de 1919, l’Allemagne vit de plus en plus mal cette période d’après guerre et plus particulièrement la crise économique qui frappe les plus démunis. Le parti National Socialiste est en en train de gagner du terrain, les gens commencent à se dire que cette misère a été causée par la montée du communisme et par ces juifs plein d’argent. De son côté, Marthe vit pleinement sa liaison avec Kurt, c’est l’occasion pour elle d’arrêter ses études et de s’affranchir du monde dans lequel voulaient l’enfermer ses parents, Berlin est donc la ville rêvée pour affirmer son indépendance et découvrir un monde en plein essor. La petite Sylvia, maintenant seule au monde, doit errer dans les rues, affamée, Berlin est aussi une ville en friche et très vite, elle se rend compte qu’il existe aussi un idéal communiste, même s’il est très malmené…

Par fredgri, le 28 juillet 2019

Notre avis sur BERLIN (VO) #2 – City of smoke

Dans le Berlin de Jason Lutes, la ville n’est pas forcément qu’un décor, elle prend une place très importante pour les personnages, une âme qui lui donne un relief très particulier, un peu à la manière du Lisbonne de Pessoa, du New York de Dos Passos (Manhattan Transfert, USA), du Dublin de Joyce (Ulysse) mais plus particulièrement du Berlin de Döblin (Berlin Alexanderplatz). En effet, Lutes ancre son œuvre dans une démarche littéraire moderniste, principalement. Il présente une palette de personnages qui prennent pied dans leur époque, dans la société, qui s’engagent dans cette rupture, cette crise qui remet en cause leur propre existence (la fameuse crise de la raison qui suivit la première guerre mondiale, jusqu’aux années 30, avec l’émergence du post-modernisme). Il rejoint ainsi ces auteurs précité, surtout Döblin et Dos Passos qui ont déjà mis en scène un monde à la fois en plein déclin qui vit une véritable crise politique et sociale. Le Berlin de 1929 est un Berlin très paradoxal, car il vit une remise en question économique que le crash de 29 vient amplifier, mais voit émerger aussi un véritable élan intellectuel avec l’arrivée du Jazz et l’éclosion de l’Art Moderne. Dans ce monde en pleine remise en question, les gens ont du mal à vraiment tout appréhender, il y a de moins en moins d’argent, les leaders politiques poussent à la stigmatisation, qu’ils soient fascistes ou communistes et au milieu de tout ça quelques personnes décident de s’entraider, en attendant le pire !

Berlin, c’est avant tout une mosaïque de parcourt qui s’entremêlent, se croisent, sans jamais perdre une seconde le lecteur. Lutes joue admirablement bien avec ses cadrages, une narration très aérée, mais qui sait rester sur l’essentiel aussi. Il aborde des tas de thèmes, que ce soit le racisme, l’homosexualité, la pauvreté, le communisme, la montée de la ségrégation, l’engagement social, le tout sur fond d’Histoire, de politique. C’est intelligent, très fin, pas rébarbatif et finalement très instructif et passionnant. Peut-être un volume plus politisé que le précédent !

Graphiquement, Lutes se reconnait héritier de cette école franco-belge de la ligne claire, et plus particulièrement de gens comme Hergé. Certes, son trait manque de force, de "rébellion", mais j’aurais tendance à y trouver beaucoup d’expressivité, d’autant qu’il s’affine de plus en plus et que très vite il devient magnifique. On a quand même l’impression que le dessin n’est avant tout qu’un outil pour retranscrire cette réalité fidèlement (Lutes s’est beaucoup documenté sur place, afin de coller le plus justement à l’époque, aux lieux) et ce qui est le plus important, avant tout, c’est l’histoire !

Œuvre d’une vie, Berlin de Jason Lutes est certainement l’une des séries les plus documentées sur cette époque, un vrai régal !
Dommage qu’il faille attendre aussi longtemps entre chaque volume !!! En tout cas, Avec la sortie récente du dernier tome n’attendez plus et jetez vous sur cette série incroyable et passionnante !

Par FredGri, le 28 juillet 2019

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