KRAZY KAT (VF)
1925 - 1929

(Ce premier volume rassemble toutes les sunday pages parues entre le 4 Janvier 1925 et le 29 Décembre 1929)
Krazy Kat c’est avant tout l’étrange histoire qui lie le chat Krazy et la souris Ignatz. Le premier étant follement amoureux de la seconde et la seconde passant son temps à balancer des briques à la tête du premier. Pendant ce temps là le sergent Pupp veille à rattraper Ignatz quand il la surprend à lancer sa brique. Mais très vite, autour de ce maigre canevas, s’organise un univers peut-être bien plus complexe et passionnant qu’il n’y parait au premier abord !

Par fredgri, le 15 décembre 2012

Notre avis sur KRAZY KAT (VF) #1 – 1925 – 1929

Quel formidable pari que ce premier volume !
En effet, ce volumineux album nous propose la traduction de ce chef d’œuvre du strip américain qu’est Krazy Kat.
On devine aisément le travail titanesque qu’il a fallu à Marc Voline pour adapter le langage si particulier de ces personnages en français. Et dès les premières pages le fameux pari est remporté haut la main. Voline s’est documenté sur l’histoire de Herriman, sur ses gouts, sur les chansons populaires de l’époque, lui et les Rêveurs on travaillé main dans la main avec les éditions Fantagraphics qui ont publié les versions originales. Les uns ont confié les films originaux, les autres ont tenté de respecter au plus près le matériau original (jusqu’à créer une typo informatique qui ressemble incroyablement à la typo initiale !)… Vous l’aurez compris, cet album c’est avant tout une véritable déclaration d’amour au comté de Coconino et ses habitants, à ce nonsense et cette profondeur qui se glisse dans chaque strip. Mais c’est surtout l’occasion, pour nous, lecteur français, de découvrir ce remarquable univers par le biais d’un somptueux volume superbement édité, avec trois articles introductifs, des notes en fin de volume et une reproduction exceptionnelle !

Oui, c’est vrai, ça en fait des superlatifs et des éloges, mais c’est pour bien appuyer sur l’importance de cette œuvre dans le paysage de la BD, et combien c’est vitale de réintroduire Herriman dans les collections des plus curieux !

Jusque là, il faut dire que Krazy Kat était assez pauvrement traduit, ou très succinctement. Rien qui ne lui a permis tout du moins de percer et de se faire réellement remarquer. Heureusement, depuis quelques années l’éditeur américain Fantagraphics a entrepris le projet de tout rassembler, commençant, comme les Rêveurs, par les sunday pages de 1925 et, une fois terminé, revenant sur les premières années (1916 à 1924). Cette volonté de réhabiliter ce strip culte a permis de lancer toute une dynamique de restauration d’un énorme patrimoine qui nous a donné ensuite des intégrales Popeye, Prince Valiant, Pogo, Mickey etc.
Mais encore maintenant, "Krazy Kat" reste une référence d’initiés, un nom qui circule, nimbé d’admiration, de mystère, qui intrigue, qui fascine.

La première fois que j’en ai entendu parler c’était au détour d’interviews d’auteurs complètement conquis, qui en parlaient avec beaucoup de zèle, insistant sur la profondeur des idées de Herriman, sur sa richesse graphique, sur la force de ses métaphores et le pouvoir absurde de ses histoires. Je voyais bien quelques planches par-ci par-là, mais c’est vrai que les textes de Krazy Kat sont complexes, pleins de sonorités, d’argot, de mélange de langues, qu’il faut parfois les lire à voix haute, qu’il faut se laisser conquérir par les ambiances. Quand j’ai commencé à lire ces planches (j’ai commencé par les histoires parues en 1916, avec des mises en pages réellement plus inspirées et plus audacieuses) j’ai tout de suite compris que non seulement j’entrais dans un monde très particulier, avec ses propres codes, très loin des archétypes que je connaissais jusque là, mais aussi que j’avais devant moi un vrai monument de la BD !

Car il ne faut pas perdre de vue qu’en effet le schéma de base de Krazy Kat est des plus simples, une souris qui balance des briques sur la tête du chat qui l’aime… D’ailleurs le chat est-il un mâle ou une femelle, la souris a bien une famille avec une femme et des enfants… Et de ce simple schéma Herriman va réussir à alimenter, chaque semaine jusqu’en 1944, une série de strips qui fascine encore de nombreux admirateurs aujourd’hui !
Herriman s’amuse, il joue avec les mots, avec les références, avec la forme même de la planche, livrant ainsi une œuvre très complexe qui a très vite été saluée par la critique et qui a marqué à jamais l’histoire de la BD.

Il est vrai, par contre, que le public n’a pas forcément reconnu tout de suite le mérite de Krazy Kat. Et s’il n’y avait eu le soutien de Hearst dès le départ, peut-être n’y aurait même jamais eu de sunday pages (on raconte que le magnat de la presse aimait tellement ce que livrait Herriman qu’il lui donna tout de suite tout les droit de KK, qu’il lui paya même un excellent salaire jusqu’au bout (l’augmentant régulièrement), et ce malgré les réticences des différents éditeurs en chef qui recevaient les lettres sceptiques des lecteurs !). Et c’est ces réactions qui ont certainement rajouté un aura particulier à ce strip !

Cette traduction est donc des plus réussies, car on retrouve parfaitement le ton original, le côté foufou des textes.
Par contre, en suivant le sens de la publication américaine, on commence en 25 et on passe donc un peu à côté des précédents strips qui étaient tout bonnement sublimes dans leur mise en scène, bien plus inventifs que le formatage qui suivra vers Aout 1925 (en fait pour coller au format pleine page des sunday, les strips initialement publiés en bas de page seront "remontés" au travers d’un canevas de 8 cases autour d’une case centrale rajoutée), ce qui fait que très vite, on perd un peu de cette richesse qui faisait le style d’Herriman !

Bon, je chipote un peu, c’est vrai, car après tout quel formidable voyage que cette lecture ! Et quel incroyable projet éditorial.
Soulignons que la maquette de la couv est faite par Manu Larcenet qui livre ici un très bon boulot, épuration et efficacité !

Cet album rejoint donc ces projets liés au patrimoine, qui nous donnent des intégrales comme Terry et les pirates, Prince Valiant, Tarzan, Little Nemo, Mickey, Donald etc. Et c’est important de se souvenir et de redécouvrir ces bijoux de la BD qu’on avait eu longtemps tendance à oublier. Mais loin d’être seulement des "Intégrales" il s’agit ici de se régaler avec ces "Essentiels", de revenir aux bases, à cette époque ou les auteurs façonnaient le média lui même, qu’ils établissaient les codes, qui construisaient un monde entier…

A lire absolument !

Par FredGri, le 15 décembre 2012

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