V pour Vendetta

La scène se passe dans une Londres toute en ombres. Un état totalitaire, digne d’Orwell, harasse la population, la réduisant à un état de machine ! Sur les toits, si vous levez les yeux vous verrez une silhouette se faufiler, une cape, un masque souriant, et quelque part la-bas une bombe explose ! Ce personnage, V, vous le devinerez plus tard, est un esthète, nostalgique d’une culture plus raffinée, oubliée, mais aussi hanté par ces images « de camps de travail » où il fut torturé ! Ce mystèrieux V a décidé de remettre quelques pendules à l’heure, d’entamer pour de bon sa propre Vendetta !

Par fredgri, le 1 janvier 2001

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Toute la BD, que de la BD !

2 avis sur V pour Vendetta

Je n’aurai pas l’outrecuidance de surenchérir sur le commentaire de Fred concernant le graphisme. Peut-être oserais-je simplement faire remarquer que les couleurs sont un peu vieillies, et qu’étant donné le travail sur les ombres, un traitement noir et blanc serait probablement encore plus impressionnant…
Cependant je souhaite insister sur l’extraordinaire puissance scénaristique de l’ouvrage. L’ensemble s’appuie sur les peurs et les mythes fondateurs de la société actuelle, ou tout du moins la société contemporaine vue par Moore. Ces thèmes sont bien évidemment les supers héros, mais aussi le passé chargé de l’Europe (guerre, camp de concentration, propagande) et la peur toujours actuelle de l’omniprésence et de la toute puissance policière. Ajoutons à cela quelques plongées dans la pédophilie du clergé et la corruption des juges, et vous aurez compris la façon dont Moore voyait l’avenir, en pleine période thatchérienne et à la fin de la guerre froide.
Sur la base de ce socle à la fois terrifiant et contemporain, Moore tisse une histoire haletante de vengeance doublée d’une initiation fascinante. Le héros, martyre aliéné d’expériences médicales, entraîne son « élève » dans sa folie et dans son désir de vengeance contre cette société liberticide et tyrannique.
Une vision à la fois manichéenne et complexe du monde nous est livrée, au fil d’une narration intense et presque envoûtante tant elle nous entraîne loin dans notre imaginaire et nos phobies contemporaines.
Un ouvrage majestueux et complexe, que je relis inlassablement depuis de longues années : je vous invite à en faire autant.

Par TITO, le 20 mars 2003

V pour Vendetta est une des premières œuvres de Moore, de ces années où il travaillait pour le magazine anglais Warriors. Et comme dans d’autres travaux qu’il signait à l’époque il dépeint un monde très sombre mais terriblement poétique aussi ou l’esprit d’un homme peut aussi être la flamme qui peut ramener la vie et l’espoir!
Le récit est découpé en petits chapitres qui font penser à des comptines et dont tous les titres commencent par V ! (A l’origine, le chapitrage correspondait à la publication en épisode dans Warrior) Il s’installe donc une sorte de rythme cadencé ou Moore s’amuse à jouer avec la symbolique, la musicalité des phrases tandis que la tension des évènements s’accentue pour entrer dans une ronde anarchique pleine de sens au fur et à mesure des années qui passent.
Alors oui, tout ça a été écrit en pleine période tatchériste ou les minorités étaient visées par des lois oppressantes, les gays, les étrangers… et V est une sorte de constat utopiste, un coup de poing virulent et magistral !

En reprenant la figure du justicier, sa silhouette plutôt, Moore semble inscrire son discours dans une longue référence aux anciens mythes populaires, ces histoires d’hommes désintéressés qui vont secourir la populace en espérant ainsi leur construire un monde meilleur, mais en plus de tout ça il rajoute une dimension réellement sociale et politique, non seulement V ne veut plus simplement "sauver" les gens mais il veut leur faire prendre conscience de leur état et les amener à devenir de véritables acteurs de leur société en intervenant. La longue "initiation" d’Evey n’est pas seulement là pour la former mais surtout pour la faire évoluer vers quelque chose de plus essentiel. V n’est plus un homme, il devient une idée, un concept qui ne forme qu’un avec ce masque, avec cette antre, avec ses secrets, comprendre V c’est devenir V, poursuivre sa leçon et envisager le monde d’une part et nous même d’autre part, d’une toute nouvelle façon.
Cette idée tranche avec les autres traitement du héros que l’on retrouve par-ci par-là, d’ailleurs V n’est pas un héros, juste le symbole d’un acte, il n’est en rien un super-héros car là n’est pas son propos, il ne s’intéresse pas à sauver la veuve et l’orphelin, il n’est pas un simple héros intéressé par l’appat du gain, car progressivement il a aussi conscience qu’il devra disparaître pour sa cause, pour que son rêve subsiste, il n’y a pas d’identité secrète, à peine une sorte d’origine qui pourrait éventuellement expliquer tout ça mais qu’importe, Moore a surtout voulu s’en servir comme d’un vecteur, d’un phare pour un concept plus global.

Le dessin de David Lloyd est particulièrement efficace, tout en ombres et lumière, pratiquement aucun trait de contour, les formes se dessinent presque juste avec les masses de noirs, avec les blancs qui se glissent entre les ombres, c’est magnifique, la version colorisée peut éventuellement gommer le travail de suggestion du dessin mais je trouve que cela rajoute aussi une sorte d’atmosphère plus ouatée !

Moore fait progressivement monter la pression, l’horreur et l’absurde. Dès ses premieres histoires, il fit preuve d’une maitrise éblouissante, incroyable. Cet album est avec Watchmen, From Hell, Miracleman une oeuvre indispensable de ce scénariste hors norme de la Bande dessinée actuelle, de ce maitre ! (eh oui il faut bien)
Je ne cesse de relire ce chef d’oeuvre et à chaque fois c’est une redécouverte ! Venez vous aussi découvrir la flamme de l’anarchie…

Par FredGri, le 25 décembre 2002

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