V pour Vendetta

(V for Vendetta 1 à 10)
Une ombre se faufile sur les toits de Londres, la nuit, une cape, un masque souriant, et quelque part la-bas une bombe explose ! Ce personnage, V, vous le devinerez plus tard, est un esthète, nostalgique d’une culture plus raffinée, oubliée, mais aussi hanté par ces images « de camps de travail » où il fut torturé ! Ce mystérieux V a décidé de remettre quelques pendules à l’heure, d’entamer pour de bon sa propre Vendetta !
Car le pays subit le joug d’un état totalitaire, digne d’Orwell, qui harasse la population, la surveille et la déshumanise ! Et V se donne pour mission de se venger de ses anciens tortionnaires, d’une part, mais aussi d’abattre ce gouvernement en s’attaquant au Parlement, à l’image de la Conspiration des poudres de 1605…

Par fredgri, le 28 avril 2020

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Notre avis sur V pour Vendetta

A l’instar des monuments qu’Alan Moore va produire ensuite, comme Watchmen, From Hell ou encore Lost Girls, "V pour Vendetta" est l’une des premières œuvres du scénariste, au moment où il travaillait pour le magazine anglais Warriors, au début des années 80 (il produisait en même temps l’incroyable série Marvelman/Miracleman !). Influencé par le régime Tatchérien, il dépeint un monde très sombre, mais terriblement poétique aussi ou l’esprit d’un homme peut aussi être la flamme qui peut ramener la vie et l’espoir !
Le récit est découpé en petits chapitres qui font penser à des comptines et dont tous les titres commencent par V ! (A l’origine, le chapitrage correspondait à la publication en épisode dans Warrior) Il s’installe donc une sorte de rythme cadencé ou Moore s’amuse à jouer avec la symbolique, la musicalité des phrases tandis que la tension des évènements s’accentue pour entrer dans une ronde anarchique pleine de sens au fur et à mesure des années qui passent.
Alors oui, Moore veut dénoncer une période très difficile que traverse son pays, ou les minorités étaient visées par des lois oppressantes, les gays, les étrangers… V est une sorte de constat utopiste, un coup de poing virulent et magistral !

En collant à la figure du justicier, à sa silhouette plutôt, le masque de Guy Fawkes, Moore semble inscrire son discours dans une longue référence à l’histoire de son pays, et plus particulièrement le complots qu’ourdirent Robert Catesby et ses compagnons d’armes pour abattre le roi Jacques Ier en 1605, projetant de dynamiter le Parlement…
V est un homme désintéressé qui veut secourir la populace en espérant ainsi lui construire un monde meilleur. Mais en plus de tout ça il rajoute une dimension réellement sociale et politique, non seulement V ne veut plus simplement "sauver" les gens, mais il veut leur faire prendre conscience de leur état et les amener à devenir de véritables acteurs de leur société en intervenant. La longue "initiation" d’Evey n’est pas seulement là pour la former, mais surtout pour la faire évoluer vers quelque chose de plus essentiel. V n’est plus un homme, il devient une idée, un concept qui ne forme qu’un avec ce masque, avec cette antre, avec ses secrets, comprendre V c’est devenir V, poursuivre sa leçon et envisager le monde d’une part et nous même d’autre part, d’une toute nouvelle façon.
Cette idée tranche avec les autres traitement du héros que l’on retrouve par-ci par-là, d’ailleurs V n’est pas véritablement un héros, juste le symbole d’un acte, d’une pensée qui agit, il n’est en rien un super-héros, car là n’est pas son propos, il ne s’intéresse pas à sauver la veuve et l’orphelin, il n’est pas non plus un simple héros intéressé par l’appât du gain… Progressivement, il a aussi conscience qu’il devra disparaître pour sa cause, pour que son rêve subsiste, il n’y a pas d’identité secrète, à peine une sorte d’origine qui pourrait éventuellement expliquer tout ça, mais qu’importe, Moore a surtout voulu s’en servir comme d’un vecteur, d’un phare pour un concept plus global.

Le dessin de David Lloyd est particulièrement efficace, tout en ombres et lumière, pratiquement aucun trait de contour, les formes se dessinent presque juste avec les masses de noirs, avec les blancs qui se glissent entre les ombres, c’est magnifique, la version colorisée peut éventuellement gommer le travail de suggestion du dessin, mais je trouve que cela rajoute aussi une sorte d’atmosphère plus ouatée !

Moore fait progressivement monter la pression, l’horreur et l’absurde. Dès ses premières histoires, il fit preuve d’une maitrise éblouissante, incroyable. Cet album fait figure d’œuvre indispensable dans le parcours de ce scénariste hors norme de la Bande dessinée actuelle, de ce maitre (eh oui il faut bien) !

Je ne cesse de relire ce chef d’œuvre, et à chaque fois c’est une redécouverte !

Venez vous aussi découvrir la flamme de l’anarchie…

Par FredGri, le 28 avril 2020

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