Urielle

Avec ses filles, Erika vivait en "béguinage". Toutes cinq formaient une de ces communautés comme il en existait à l’époque dans le nord de l’Europe : exclusivement féminines et dont la survie dépendait du travail de ses membres. Travaux aux champs et à la ferme étaient naturellement de mise, mais des travaux à destination des moines, copies, traductions et enluminures, leur apportaient également de quoi subsister ainsi qu’une certaine mais fragile protection de la part de ces moines clients. Car les autorités religieuses voyaient d’un mauvais œil ces femmes dont les modes de vie se calquaient sur ceux des monastères alors même qu’elles n’avaient pas fait vœu d’appartenance à un quelconque ordre.

Un jour, la petite communauté d’Erika recueillit dans la neige une femme nue arrivée d’on ne sait où. La présence même et la survie de celle qu’on appela Urielle fut considérée comme un signe divin, et des miracles commençant à se produire autour d’elle auraient pu assurer une certaine reconnaissance au béguinage de la part des moines voisins. Mais la nouvelle parvint vite plus haut dans la hiérarchie religieuse et le dénommé Conrad de Marbourg, réputé pour n’être pas des plus commodes, arriva pour faire son enquête.
 

Par sylvestre, le 31 octobre 2009

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Notre avis sur Urielle

 
Urielle est une sorte de huis clos si l’on considère que toute l’histoire se déroule dans les quelques centaines de mètres carrés qu’offrent la maison et le terrain d’Erika et de ses filles. Un huis clos lumineux, puisque le rude hiver de l’Europe septentrionale y recouvre tout d’une épaisse couche de neige d’un blanc éclatant, mais un huis clos également sombre et glacial comme savent l’être ces pauvres masures au confort spartiate dans lesquelles le salut et l’évitement de la folie passent immanquablement par un mode de vie strict et incontournable.

A ce contexte guère réjouissant s’ajoute le poids qui pèse sur Erika et ses filles, à savoir le mépris pour les femmes comme elles (qui ont choisi de vivre repliées sur elles-mêmes), de la part d’une autorité religieuse qui voit en elles des hérétiques qu’à l’époque, au XIIIème siècle, on n’hésite pas à mener aux bûchers…

Ainsi Urielle raconte la maladroite et sans doute trop ambitieuse initiative d’une mère protectrice, simple femme devant la toute puissante Eglise, et voit éclater le trop-plein de pression supportée jusque là par elle et ses filles… qui ne demandaient qu’à vivre tranquillement, et comme elles l’entendaient, une vie que leurs talents auraient pu rendre utile et douce.

Drame aux couleurs glaçantes dont les débuts de chapitres sont ornés d’illustrations à l’ancienne comme Erika et ses filles en avaient le secret et la maîtrise, Urielle est un polar où l’Inquisition montre un visage différent mais tout aussi effrayant que ceux qu’on lui a déjà vus lorsqu’elle était mise en scène sous d’autres climats plus exotiques. C’est une bande dessinée signée Lapière et Clarke, tandem à qui on doit déjà Luna Almaden. C’est un one-shot original dont le prix sera justifié par le nombre de pages, une histoire gonflée aux peurs qui régissaient il fut un temps les relations entre le peuple et une Eglise donneuse de leçons.
 

Par Sylvestre, le 31 octobre 2009

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