Un homme comme une autre

Éprouvé par ce qu’il vit au quotidien, Yann a décidé d’exposer son problème à sa fille Aïda. Mais comme il ne peut lui dire ouvertement, il a décidé de le faire via une caméra pour qu’elle puisse le visionner lorsqu’elle sera en âge de le comprendre. Divorcé de Ninon sa mère, Yann pourrait se vanter d’être un homme séduisant. Il y a peu, il a candidaté pour un gros cabinet d’architecture et ses idées novatrices lui ont permis d’être bien accueilli sauf pour sa collègue Suzon à laquelle il doit faire équipe. Malheureusement, depuis quelques temps, sa barbe se dégarnit au détriment de ses cheveux qui prennent plus de volume. Pareillement, sa voix déraille complètement. Un jour, lors d’une réunion de travail, il perd connaissance. Eu égard à son état, son ex-femme Ninon l’envoie consulter un médecin qui lui détecte un problème hormonal mais se refuse à voir un spécialiste. Jusqu’au jour où en se lavant, il s’aperçoit que des seins lui poussent. Yann découvre alors qu’il est en train de se féminiser. Totalement perturbé par ce qui lui arrive, il modifie son comportement vis-à-vis de ses proches, s’effaçant progressivement. Comment enrayer cette transformation et comment l’expliquer à Aïda ?

Par phibes, le 6 décembre 2020

Notre avis sur Un homme comme une autre

Parce que leur association leur est nécessaire, Stéphane Betbéder et Frederico Pietrobon se retrouvent une nouvelle fois après des albums en commun tels Deep, Alice Matheson (T4), Escape this. Cette fois-ci, les auteurs se lancent dans un roman graphique anticipatif au titre ambigu et qui a la particularité de se focaliser sur une personne (Yann) dont la destinée va être bousculée par ce qui lui arrive.

A n’en pas douter, le récit se veut pour le moins stupéfiant par la thématique développée. Certes empreint d’une réelle modernité, cette dernière se veut nous entraîner dans un processus de féminisation non voulu vécu par un homme somme toute commun. A partir de divers détails, l’on découvre les différentes étapes de sa mutation qui bien sûr bouleverse la sensibilité du concerné au point de le pousser à se questionner sur la façon d’assumer celle-ci. Vis-à-vis de son nouveau travail, de sa fille, de son entourage, Yann prend des décisions fuyantes qui génèrent en face une certaine incompréhension. Et puis bien sûr, il y a le pourquoi de la chose qui va nous être dévoilé de façon scientifique, environnementale.

L’on concèdera qu’à partir de cette fiction et des nombreux échanges mis en avant, Stéphane Betbéder a semble-t-il voulu sensibiliser son lectorat sur plusieurs faits. Tout d’abord, il a souhaité susciter la surprise via l’histoire d’un homme qui se nourrit d’une mutation intempestive. Ensuite, il a voulu alerter sur l’évolution inquiétante de notre société, sur la perturbation de nos organismes via des substances que l’on inhale, que l’on ingère et qui sont pour le moins dangereuses pour la santé. Enfin, il a espéré engager une réflexion sur la différence, sur son acceptation et son adaptation. Le tout se digère assez facilement malgré quelques séquences tirant sur le documentaire un peu lourdes et un personnage qui a du mal à convaincre totalement.

La partie graphique de Frederico Pietrobon repose sur un réalisme quasi photographique dont l’artiste a la maitrise. Les instantanés qu’il nous offre, même si certains se veulent un tantinet dépouillés, sans arrière-plans et à la colorisation uniforme, servent efficacement les péripéties liées à Yann et témoignent habilement son trouble.

Une fiction troublante qui a toutefois son intérêt et qui a l’avantage de susciter de bonnes réflexions.

Par Phibes, le 6 décembre 2020

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