Trouille

Vingt-cinq ans que Joe pratiquait la fuite en avant. Toujours, dans la tête, la même peur, celle qu’Elle le rattrape.

La première fois qu’il l’avait vue, il n’avait que onze ans. C’était au printemps. Il jouait sur Greenwood Avenue. Elle s’approcha de lui, l’appelant par son prénom. Elle était blonde, habillée en noir et semblait très bien le connaître. Elle lui demanda où vivait M. Morgan. Il lui indiqua. Le soir, M. Morgan était mort.

Elle revint à la Saint Valentin. Il l’aperçut alors qu’il faisait du canoë sur la rivière. Le soir, Joe appris le décès de sa mère, tuée dans un accident de voiture. Il l’a vit encore une troisième fois, à l’hôpital, juste avant que ne meurt son voisin de chambre. Puis, plus rien pendant des années. Jusqu’à cette soirée où Elle réapparue sur la terrasse d’une maison où Joe participait à une soirée entre ami. C’est alors qu’une bagarre éclata. Bilan, un mort évidemment. Ce fut l’électrochoc pour Joe. Cette fois, il avait compris qu’il fallait fuir s’il ne voulait pas qu’un jour Elle le rattrape, lui. Tout abandonner et fuir, loin, sans cesse, voilà la solution pour vivre.

Par legoffe, le 1 janvier 2001

Notre avis sur Trouille

Pinelli et Oppel signent ici l’adaptation du roman éponyme de Marc Behm, écrivain prolifique, reconnu pour ses polars et ses romans noirs et décédé en 2007. Autant dire que cet auteur avait toute sa place dans la collection Rivage/Casterman/Noir. Le choix de Trouille, de plus, est ambitieux car c’est une œuvre psychologique, aussi noire que complexe.

Partant d’un récit anticonformiste, les auteurs ont, eux aussi, choisi une adaptation un peu éloignée du concept habituel de bande dessinée. Il suffit d’un coup d’œil dans le livre pour s’en apercevoir. Ici, pas de cases mais un seul dessin par planche. L’animation, le déroulement de l’action, se font au cœur de cet unique dessin, dans lequel fusionnent différentes scènes. Nous sommes donc plus en présence de tableaux que de planches de BD. On pourrait craindre que cela rebute le lecteur, mais ce n’est pas le cas. L’action est facile à suivre et ce choix donne un peu de dynamisme à un récit uniquement assuré par la voix off du narrateur. C’est aussi un moyen efficace d’entraîner le lecteur dans l’esprit et l’univers torturés de Joe, devenu obsédé par sa peur de la mort.

Le choix de mise en page est d’autant plus réussi qu’il est servi par les très beaux dessins de Pinelli.

L’envers du décor, c’est un scénario parfois poussif. Certes, il raconte de manière plutôt efficace cette peur et cette obsession qui vont détruire la vie de Joe. Sa fuite pour la vie est finalement une petite mort qui l’empêche de profiter réellement de l’existence.

Pour autant, si l’image est intéressante, son exploitation reste partielle. Les belles planches et la présence – comme seul texte –de la voix off entrainent une lecture rapide du livre. Les lieux et les rencontres s’enchainent sans que l’on puisse approfondir. Les personnages apparaissent pour disparaître presque aussitôt. On peut considérer que c’est finalement le reflet d’une vie sans but, terne et sans saveur. Pour autant, à trop bien appliquer le concept, la lecture perd aussi de son miel. Du coup, on garde un sentiment d’inachevé lorsque le livre arrive à son terme.
Je retiendrai donc de cet album, en premier lieu, son très bel univers graphique, restant sur ma faim pour ce qui est du scénario. Si vous voulez goûter au roman noir, je vous conseillerai donc plutôt le grandissime Shutter Island dans la même collection.

Par Legoffe, le 31 mai 2009

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