Tremblez enfance Z46

Hicham, homme momie, vit malheureusement séparé de Wassilia qui réside au Sud. Employé dans une fabrique d’un pays du Nord, ses nuits lui permettent souvent de rêver d’elle. N’y tenant plus et souhaitant profiter d’une opportunité pour la rejoindre clandestinement, l’homme ruban prend le train pour Villefrontière. En cours de route, à la suite d’un problème technique, il se doit d’opter pour un autre moyen de locomotion plus aquatique et finit par atteindre sa destination. Mais il est arrêté par la police locale. Parviendra-t-il à retrouver sa dulcinée, surtout que celle-ci a, elle aussi, fait ses bagages et traversé la mer pour être présente au lieu de rendez-vous.

Par phibes, le 12 novembre 2013

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Notre avis sur Tremblez enfance Z46

Les éditions Tanibis nous offrent l’occasion de faire une rencontre pour le moins originale grâce à cet album réalisé par EMG. Premier titre de ce dernier, il a l’avantage de se découvrir dans un format type B5 pour une lecture orientée paysage, toute une succession de vignettes d’une page reliées dans un écrin peau de pêche de belle qualité.

Sous le couvert d’un sous-titre plutôt très curieux et, à première vue, peu évocateur, EMG nous introduit dans cet univers surréaliste dont il est le maître d’œuvre et qui sert de cadre à deux personnages, Hicham et Wassila, un homme et une femme assimilables physiquement à des momies sans corps. Grâce à ces deux êtres enrubannés, une aventure sur fond d’immigration prend naissance via un cheminement miroir exécuté séparément par chaque protagoniste en direction d’un point de ralliement qui se trouve singulièrement au centre de l’album.

Il va de soi que le style employé permet, dans des consonances un tantinet arabisantes, de nous plonger dans des ambiances virtuelles décalées, très futuristes, robotisées et stérilisées à souhait, où l’absurdité a toute sa place (la course des trains, le métro aquatique, la purification polaroïde…). Aussi, alors que le concept historique est pour le moins épuré, que les mots préfèrent s’effacer au profit d’un panel d’effets picturaux froids et de situations hors norme, le lecteur s’adonne bien volontiers, assurément par curiosité et aussi par amusement, à cette perspective de retrouvailles pas si réjouissantes que ça. Il est vrai qu’elle permet de prendre conscience de l’état de la société d’Hicham et de Wassila, installée dans une sorte de totalitarisme intégralement aseptisé.

C’est au niveau du graphisme qu’EMG tire son épingle du jeu. A n’en pas douter adepte du travail sur ordinateur, ce dernier crée ici avec une certaine inspiration un monde strict, rectiligne, d’une clarté imparable, géométriquement surdimensionné et habité par des êtres déshumanisés physiquement, ressemblant plus à des "lego" pour certains comme les policiers, à des êtres ruban sans chair pour d’autres. L’esthétisme de ses illustrations est poussé à outrance grâce à des effets volontairement anguleux, jouant sur des apparences cubiques tridimensionnelles remarquablement travaillées et des couleurs très vives.

Un exercice esthétiquement réussi pour un concept miroir (la rencontre inversée de deux êtres) original et bien osé.

Par Phibes, le 12 novembre 2013

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