Tomsk-7

 
Pour avoir vandalisé des horloges puis frappé un représentant de l’autorité, Vladimir a écopé de la perpétuité à Tomsk-7, une ville prison où il travaille comme boulanger. Vladimir sait qu’il ne s’échappera ; mais il a trouvé un moyen de "créer" lui-même sa liberté… Il incorpore parfois dans sa pâte un peu de sable et les pains auxquels il a donné la forme d’un papillon parviennent à s’envoler et à donner ainsi de l’espoir et un peu de rêverie à tous les détenus…

Cette histoire courte, Tomsk-7, donne son nom à l’album qui en compte sept autres.
 

Par sylvestre, le 14 décembre 2014

Notre avis sur Tomsk-7

 
Tomsk est au mieux un nom qui ne dit pas grand-chose à la plupart des gens. C’est le nom d’une petite ville de Sibérie occidentale : un nom qui fera rêver les baroudeurs dans l’âme et qui fera frémir ceux qui l’associent encore (pour l’avoir lu dans L’île aux cannibales de Nicolas Werth), à la bourgade de Nazino où Staline a envoyé et oublié dans un camp des prisonniers par centaines…

La Tomsk-7 de Danijel Zezelj est à classer dans les villes cauchemars. C’est une ville prison où s’affairent à en perdre la santé des milliers de prisonniers. C’est un gigantesque complexe industriel (aux 197 cheminées) écrasant ses pensionnaires sous le poids de l’inhumanité qu’il symbolise, c’est un univers de vieux métal reléguant la chair et le vivant au rang de denrée jetable.

Ce contraste, on le retrouvera partout ailleurs dans le récit. Il existe ainsi entre le massif complexe industriel et les frêles papillons qui y apportent leur dose de "couleur" et de légèreté. Il existe bien sûr aussi grâce au noir et blanc du graphisme, un noir et blanc très gras, très puissant. Il existe également dans l’antagonisme entre les petits objets minutieux qui, dans plusieurs des huit histoires courtes que compte l’album, sont finement représentés, et les grands espaces traités en un minimum de coups de crayons.

Dans cet album Tomsk-7, la narration est off, faite de phrases que des dessins viennent illustrer au fur et à mesure que les mots arrivent : des dessins précis d’objets faisant écho au texte lui par contre plutôt vaporeux. Car oui, tout est éthéré dans ces histoires, tout est poétique avec cartes au trésor à la clé… ou mystérieux avec des villes fantômes, des chiens errants ou personnages inquiétants. On navigue dans une certaine magie, au point qu’il faut avouer ne pas toujours pouvoir tout bien saisir ! (Dans ces cas-là, reste le dessin, le style, le talent de l’artiste…)

Ce mystère latent est alimenté par des mirages, par des symboles… A l’instar de ce rhinocéros aussi puissant et imposant qu’il est discret et silencieux et qui s’invite dans l’un des récits. (A noter que c’est un rhinocéros faisant penser à ceux de Salvador Dali qui est à l’honneur sur le dessin de la couverture) A l’instar aussi de ces éléphants qui volent, rappelant un tant soit peu les papillons de Vladimir.

Zezelj nous invite à des errances mystiques en nous contant ces fables d’un genre particulier. Et on se laisse facilement envoûter malgré le sentiment d’incompréhension ; un envoûtement que quelques coquilles viendront malheureusement casser : le mot "cœur" qui deux fois sur trois devient "clur", des lettres en trop qui viennent ici ou là parasiter un mot… Ou carrément le Tomks – au lieu de Tomsk – sur la page de titre intérieure !

Des ambiances à nulles autres pareilles, de la poésie éclosant d’univers rudes, un superbe dessin en noir et blanc… Lire une oeuvre de Zezelj, c’est se couper du reste et plonger dans un univers graphique faisant rimer poésie avec noirceur et rêve avec réalité.
 

Par Sylvestre, le 14 décembre 2014

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