Toi au moins, tu es mort avant

 
Chrònis Mìssios, résistant communiste grec dans la Grèce de l’après-guerre, a été arrêté quand il avait 17 ans puis a été condamné à mort. De cette expérience traumatisante dont il est sorti vivant, il a fait un livre et cette BD qui le fait répondre au surnom de Salonique en est l’adaptation.
 

Par sylvestre, le 3 mai 2013

Notre avis sur Toi au moins, tu es mort avant

 
En cent soixante-quatorze planches en noir et blanc, les coscénaristes Sylvain Ricard et Myrto Reiss, avec la complicité du dessinateur Daniel Casanave, nous livrent leur vision illustrée et séquencée du roman autobiographique du Grec Chrònis Mìssios devenu selon ses propres termes un "prisonnier professionnel" pour avoir passé vingt et un ans derrière les barreaux où il a été maintes fois humilié, déplacé ou torturé parce qu’il était un communiste dans la Grèce de l’après-guerre, avant la période dite de la "Dictature des Colonels".

Dans un cahier supplémentaire en fin d’ouvrage, une brève chronologie sélective de l’Histoire de la Grèce (de 1922 à 1982) est la bienvenue pour avoir quelques repères. Tout en restant, c’est dommage, trop sommaire. Car malheureusement pour qui ne connaît pas bien les contextes de l’histoire rapportée ou pour qui ne connaît pas l’œuvre ici adaptée de Chrònis Mìssios, mettre le pied à l’étrier est vraiment difficile. Non seulement parce que notre bagage culturel est sans aucun doute trop léger, mais également parce qu’on a du mal, au début de cette bande dessinée, à définir avec certitude qui est le personnage principal dont on suit l’histoire personnelle, ce qui fait qu’on n’accroche pas aussi sûrement qu’on pourrait le faire sans ce problème. Le récit avançant, on perd ce second handicap, mais je crois qu’on ne se débarrasse jamais complètement du premier ; l’histoire (l’aventure !) perd alors probablement de son relief. On est certes les témoins de la succession des malheurs que subit Salonique, on est certes touché par ce qu’il encaisse, par ses victoires et par ses défaites, mais cette vision qu’on a nous paraît rester superficielle ; on a l’impression de ne pas avoir toutes les cartes en mains. Un peu comme lorsqu’on joue à un jeu de société en sachant que, parce qu’on n’a pas bien lu ou bien compris la règle du jeu, on arrive à profiter du jeu mais cela tout en sachant qu’on perd le bénéfice d’atouts qu’on ne maîtrise pas et qui pourraient rendre le tout encore plus agréable ou intéressant…

Le livre est beau, le livre est épais. Le dessin de Daniel Casanave est celui qu’on connaissait et qui sied à l’adaptation. Mais pour les raisons ci-dessus évoquées, il apparaîtra forcément cher à ceux qui l’auront acheté et qui ne sauront pas l’apprécier autant qu’il le mériterait.

Déception à prévoir donc pour les lecteurs qui s’y attaqueront en péchant par manque de préparation. Se renseigner sur l’auteur Chrònis Mìssios et sur la Grèce dans laquelle il a vécu semble en effet un préalable obligatoire. Et c’est un gros inconvénient de cette bande dessinée, car lorsqu’on achète un livre, on aime bien qu’il soit un tout compréhensible et facile d’accès, on préfère ne pas avoir à lire dix autres ouvrages avant pour enfin se faire plaisir ; comme ces jeux qui durent trois minutes mais qui demandent avant deux jours de lecture d’une complexe règle du jeu…
 

Par Sylvestre, le 3 mai 2013

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