The Nao of Brown

Nao Brown est une jeune fille métisse d’environ 24/25 ans. Elle revient du Japon ou elle a été voir son père. A son retour, elle rencontre un vieil ami des Beaux Arts, Steve, qui lui propose un boulot en mi-temps dans sa boutique de jouets. Progressivement, en suivant Nao dans son quotidien, nous découvrons une autre facette de sa personnalité, une sorte de réflexe qui se répète encore et encore, elle imagine sans cesse des façons de tuer telle ou telle personne qu’elle croise, que ce soit dans le métro, dans la rue en faisant du vélo, dans un taxi etc. Et pour ponctuer ses moments elle leur attribue des notes sur 10 !
Mais, profondément, Nao n’aspire qu’à se sentir mieux dans sa peau, à gérer ses angoisses du quotidien… Et quand, un jour, elle rencontre Gregory, qu’elle est sur qu’il est l’homme de sa vie, alors elle saute les pieds joints sur l’occasion…

Par fredgri, le 15 juin 2014

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Notre avis sur The Nao of Brown

On se souvient de Glyn Dillon sur Sandman, sur Egypt ou même Shade, mais depuis, à part quelques illustrations par-ci par-là, ce fut le silence radio ou en tout cas plus de discretion qu’auparavant…
Mais déjà son graphisme très épuré, très souple et particulièrement expressif avait de quoi séduire, voir même fasciner. Dès les premiers dessins de lui que j’ai vu je suis resté un fan absolu de son travail, même s’il se faisait trop rare.
Issu de la fameuse bande de pote de Jamie Hewlett (qu’il assista sur Tank Girl, à la bonne époque), Dillon a toujours gardé ce côté branché et décalé. Et on s’en rend encore bien compte avec ce remarquable album, pratiquement en même temps que la version française qui sera ensuite récompensé par Angoulême !

Ici, l’héroïne, une jeune métisse aux étranges pulsions, se marginalise par ses gouts de geek amateurs de dessins animés, de robots japonais et de mangas bizarres, mais aussi par sa façon de concevoir la vie et cette espèce d’angoisse permanente, ces TOC qui la poussent à gérer la moindre pointe de stresse en s’imaginant des scènes de meurtre (attribuant ainsi des notes sur 10 selon l’intensité de la scène imaginée). Mais Nao n’est ni plus ni moins qu’une jeune fille moderne en prise avec son temps, avec l’image qu’elle a d’elle même, avec un petit côté allumé qui rajoute à son charme !
Tout l’album consiste donc à la suivre, à écouter ce qu’elle pense. Mais loin de juste se perdre dans les méandres de ses pensées, de ses perpétuelles interrogations, le "récit" est plein de vibrations, il laisse petit à petit apparaître le monde de cette jeune Nao qui apprend à parfois perdre le contrôle, sans pour autant oublier ses pointes d’angoisse qui l’obligent à se répéter quelques phrases en boucle. Et pour tenter de mieux contrôler ce qui lui arrive elle s’astreint quotidiennement à mettre tout ça dans une sorte de "carnet intime", confident privilégié qui l’aide à mieux s’en sortir au milieu de toutes ces "micro crises".
Alors non, contrairement à ce qu’elle avance dès la première page Nao n’est pas réellement une malade mentale, c’est un peu une façon à elle de renforcer son image afin de mieux cerner sa "fragilité". Même s’il lui arrive de perdre pied…

Vous l’aurez compris, l’écriture de Dillon est d’une incroyable subtilité dans ce portrait féminin tout en relief et en caractérisations très bien senties.
Bien sur, on peut s’interroger sur ces séquences mettant en scène l’homme arbre Pictor, des séquences isolées qui ne s’intègrent pas au reste du récit, si ce n’est pas des références que Nao fait elle même tout au long de l’album, quand elle parle de Gil Ichiyama, l’auteur d’Ichi, son manga culte dont les fameuses séquences sont sensées être tirées (bon, en fait ce fameux Gil Ichiyama est une pure invention de Dillon, une façon à lui de rendre hommage à la fois à Moeb et à Miyazaki, à ces mondes qui se balancent entre contes adultes, fantasy, SF… Cette seconde histoire, d’une douzaine de pages en tout, parle d’un jeune homme qui doit subir la malédiction de sa famille et pour en échapper doit absolument trouver quelqu’un qui l’aime, qui le prenne comme il est, moitié en bois ! Alors que Nao a du mal à complètement gérer ces différences qui la hantent, elle fait tout pour qu’autour d’elle on ne s’en rende pas trop compte, afin de se construire une vie plus équilibrée. Le parallèle n’est pas complètement évident, il faudrait creuser. En tout cas Dillon y adopte un style graphique beaucoup plus recherché d’une incroyable beauté, peut-être en effet un croisement entre ses deux maîtres spirituels, mais j’y ai tout de même vu pas mal de Georges Bess, bien que je me doute que c’est involontaire, il y a juste une gestion des espaces, de la case qui me rappelle bien ce dernier !

Un album qui demeure donc un vrai pari parfaitement réussi, ainsi que le retour en force d’un auteur qui démontre ici toute la singularité de son regard.

A lire absolument afin de non seulement se régaler les yeux, mais aussi d’en apprécier la justesse de ton !
Un régal !

Par FredGri, le 15 juin 2014

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