TERRY ET LES PIRATES
1934 à 1936

(Rassemble les Daily strips à partir du 22 Octobre 1934 et les Sunday à partir du 9 Décembre 1934, le tout jusqu’au 2 Janvier 1937)
Terry Lee est un jeune aventurier, tout juste un ado très débrouillard qui part sillonner les mers de Chine en compagnie de ses amis Pat Ryan et Connie. Pat est le grand brun athlétique dont toutes les femmes tombent amoureuses, et Connie est le bon chinois serviable et légèrement gaffeur !
Nos trois complices vont donc se faire enlever par des pirates dirigés par l’impitoyable mais sublime Dragon Lady, ils vont rencontrer la troublante Burma et son trafic de diamant, partir à la poursuite d’espions, se retrouver sur une île et se battre contre la peste etc.
A noter, en plus du travail de Caniff des hommages de François Avril, Charles Berbérian, Serge Clerc, Nicolas de Crécy, Guy Davis, Floc’h, André Juillard et François Boucq

Par fredgri, le 15 septembre 2011

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Notre avis sur TERRY ET LES PIRATES #1 – 1934 à 1936

Peu d’artiste ont marqué aussi profondément le médium que Milton Caniff. Si on s’intéresse un tant soi peu à l’histoire de la BD, on tombe régulièrement sur ce nom qui a influencé des artistes aussi variés que Jack Kirby, Frank Robbins, Bob Kane, Mike Sekowsky, Dick Dillin, John Romita, Sr., Johnny Craig, Jijé ou même Hugo Pratt. Au travers des strips de Terry & The Pirates et plus tard Steve Canyon, Caniff va donc établir les bases de l’écriture du strip d’aventure en poussant sa technique narrative, en créant un style graphique qui va l’amener à passer d’un trait ligne clair à un remarquable jeu de noir et blanc tout en graisses magnifiques. Caniff va ainsi créer une grammaire qui va ensuite devenir la référence pour les artistes qui vont suivre, il va tout inventer de A à Z.

Car, voilà, tout ici est de l’ordre de la maestria. Le storytelling, d’une part, est ultra efficace, d’une fluidité exceptionnel, les personnages sont depuis devenus des archétypes, et plus particulièrement les "femmes fatales" telles que la Dragon Lady, ou encore Burma. Mais surtout c’est passionnant dès le premier strip. C’est incroyable. 360 pages qu’on a du mal à refermer, qui nous montrent d’une part que tout ça n’a pas vieilli d’un pouce, et qu’en plus cela garde toute sa virtuosité.

Bien sur, on reste dans de la caricature parfois, ce côté "patriotique" parfois un peu forcé (et encore, cela ne m’a pas gêné une seconde), ce côté, justement, "archétypé" qui se répète (toutes les "héroïnes" sont sublimes et elles tombent pratiquement toutes amoureuses du beau et athlétique Pat Ryan), mais ça fait sourire plus qu’autre chose, car on est réellement happé par l’aventure, par la science de Caniff, cet art du rythme qui lui permet à la fois d’alterner des séquences très enlevées avec des moments plus intimistes (les scènes ou la Dragon Lady tente de séduire Pat, ou elle le regarde dormir, par exemple).

On est certes en présence de trois héros assez manichéens, malgré tout le monde ou évolue ce strip est un monde moins lisse, les femmes sont extrêmement sexuées, sulfureuses et très conscientes de leur charme, tandis que les bandits n’ont aucun scrupule. Le cadre de ces histoires c’est les mers de Chine, avec tout ce qui s’ensuit en terme de trafiquants de drogues, d’armes, de rançonneurs, de pirates. Tout ce petit monde à la gâchette facile, ils complotent les uns avec les autres, s’échangent des prisonniers, se font la guerre, tandis que se glisse par-ci par-là la racaille qui veut dévaliser les riches colons anglais ou américains !

Terry est l’élément malin du strip, le jeune ados qui s’en sort toujours, Connie joue un peu trop le rôle du larbin rigolo, et Pat est le beau gosse qui passe à l’action. En lisant ces pages on prend vraiment conscience du côté iconiques de certains de ces personnages (A noter que Caniff créera plus tard le strip Male Call, pour l’armée, strip qui sera évoqué dans la série Pin-Up de Yann et Berthey), on sent qu’on est en présence d’une page de l’histoire de la BD, c’est incroyable.

Alors, voilà, je n’ai pas réussi à lâcher cette lecture, il a fallu que je m’immerge complètement.
BDArtiste va donc suivre la publication d’IDW et sortir 6 volumes au total qui regrouperont l’intégralité des 12 ans que dura ce strip. C’est un travail éditorial remarquable, avec du rédactionnel, une excellente traduction de Michel Pagel, une chronologie respectée qui nous permet vraiment d’apprécier la transformation graphique du style de Caniff et des hommages rendus par la fine fleur des auteurs français. Certainement l’une des plus grandes claques que je me suis pris depuis un sacré bout de temps.

La référence à redécouvrir à tout prix (même si 46 € c’est un peu cher) !

Par FredGri, le 15 septembre 2011

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