Terre de Feu, feux follets

 
Dès leur arrivée en Terre de Feu où lui devait travailler dans une ferme d’élevage, Antoine et sa femme ont été mis au parfum par le patron gaucho : ce lieu n’était pas fait pour Maria. Elle serait en effet la seule femme ; toutes celles qui se sont succédées avant n’ayant pas supporté.

Malgré cet accueil particulier bien qu’en réalité bienveillant, le couple prit la décision de rester. Quelle était donc leur secret pour qu’ils viennent ainsi se perdre au bout du monde, là où des massacres d’indigènes n’avaient laissé que pâturages à perte de vue et vents balayant les solitudes ?
 

Par sylvestre, le 14 avril 2019

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Notre avis sur Terre de Feu, feux follets

 
Voilà une fiction qui fleure bon le western original et relativement contemplatif, avec l’extrême sud de la Patagonie comme décor. Nous sommes en 1897, à une époque où l’esprit pionnier prévaut encore chez certains, à une époque où tout est possible dès lors qu’on en a la volonté et la vaillance. C’est une époque et des lieux où celui qui veut repartir de zéro a toute la liberté de construire son rêve.

Orélie-Antoine et Maria Jimenez arrivent dans un microcosme masculin tenu par un gérant dont on ne saura pas tout de suite s’il sera le salaud ou l’ange gardien. Orélie-Antoine chassait les bisons, avant, mais un jour, il n’y en eut plus et c’est ce qui le fit aller chercher fortune – ou simplement vie – plus loin. Serait-il à sa place parmi les gauchos, lui qui aimait peindre à ses heures ? Sans doute, car il savait donner du poing. Et elle, serait-elle à sa place dans sa modeste masure de bois, à attendre toute la journée que son homme revienne ? Sans doute, car elle semblait femme de tête.

Le récit dans cette bande dessinée Terre de Feu, feux follets est très agrable à suivre. Et son titre, rappelant quelques mots de la rengaine enfantine "Trois p’tits chats", laisserait presque entendre que la vie c’est comme ces buissons poussés plus loin par les vents : il y a le moment présent, mais il y a toujours les moments d’après, dont on ne sait pas encore de quoi ils seront faits. Quel est l’avenir de ces individus cohabitant dans un endroit isolé et hostile ? Quels changements pourraient survenir en ces lieux où tout semble figé ?

Cette fiction entre drame et poésie, entre réalité implacable et infimes décalages surnaturels, est signée Fred Bernard. Elle est merveilleusement mise en images et en couleurs par (respectivement) Eddy Vaccaro et Anne-Claire Jouvray. Elle met en scène des personnages principaux qui ont tous leurs défauts mais qui deviennent tous attachants. On est là-bas, perdus au bout du monde, et on est rendus témoins des changements qui bouleversent cette petite communauté. On ne sait pas quel parti prendre, chacun a ses raisons. Et ce n’est pas la peine de crier ou de s’offusquer : personne ne nous entendra. On est là-bas, tout là-bas, et c’est comme ça.
 

Par Sylvestre, le 14 avril 2019

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