Tchernobyl - La Zone

 
Léonid et Galia ont décidé de rentrer chez eux. Très peu dans leur village ont fait le même choix qu’eux. Il faut dire qu’ils avaient supplié pour que leur maison ne soit pas rasée, et ils avaient eu gain de cause ! Ils étaient vieux, de toutes façons, et ils n’auraient pas pu refaire leur vie ailleurs…

Ils ont donc retrouvé leur intérieur et toutes ces petites choses qui leur sont chères, mais plus rien ne sera pour eux comme avant dans ce silence angoissant qui désormais règne sur cette terre qu’ils n’ont pas pu se résigner à quitter…

Des cauchemars les obsèdent, dans lesquels ils voient revenir ces hommes en combinaisons, leur demandant de quitter les lieux… Mais lorsqu’ils ouvrent les yeux, le vrai cauchemar est là, bien pire ! Car le malheur s’est abattu sur eux et sur des centaines de milliers d’autres personnes… C’était le 26 avril 1986, lorsqu’à quelques kilomètres de là, un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl a explosé…
 

Par sylvestre, le 17 juillet 2011

Notre avis sur Tchernobyl – La Zone

 
Alors que la planète entière restait pendue aux informations en provenance de la ville de Fukushima suite au tsunami qui a endommagé sa centrale nucléaire, les éditions Des ronds dans l’O oeuvraient à la publication en langue française d’une BD initialement parue chez Glénat Espagne dont le thème était une catastrophe au moins aussi terrible mais qu’on a fini par ranger dans un coin de nos mémoires : celle de Tchernobyl…

Tchernobyl – La Zone est une bande dessinée découpée en trois parties et dont la chronologie a été volontairement chamboulée. On y entre entourés d’un lourd silence, le temps de nombreuses planches quasi muettes, et l’on y suit Léonid et Galia dont on comprendra bien vite qu’ils sont revenus chez eux après la catastrophe. Ils sont deux petits vieux et n’ont eu ni le cœur ni les moyens de quitter leur terre, aussi ont-ils bravé les interdits et leurs peurs pour survivre dans ce qui s’est fait appeler "la Zone" (comprendre : la zone hyper contaminée par les radiations suite à l’explosion du réacteur de la centrale).

Tout au long de l’ouvrage, ce sont différentes générations d’une même famille que l’on va côtoyer. Sur trois chapitres.

Elle est presque paisible, la première partie, mais on sait pertinemment que la quiétude qui règne est une triste conséquence de l’accident du 26 avril 1986 et du dépeuplement qui a suivi. Et si les choses, "à l’image", semblent tout ce qu’il y a de plus "la saine vie au grand air", la naissance du poulain va brutalement remettre les choses à leur place avant un flashback (la seconde partie) sur les événements ayant conduit à la catastrophe et qui sont à l’origine d’une véritable malédiction qui pèse encore sur des milliers de gens qu’on a fini par oublier mais qui pourtant vivent à quelques heures de vol de chez nous.

La deuxième partie est tout aussi terrible que la première. Il y a l’accident, mais il y a aussi le temps qui a suivi : mortel délai pour beaucoup. Derrière leur rideau de fer, les autorités soviétiques n’ont pas pu/voulu tout de suite étaler leur malheur aux yeux du monde, demander l’aide internationale en urgence ni même informer en temps réel et en toute transparence les premiers concernés : une population civile locale qui ne méritait pas ça. Oui, ça fut terrible, et quelques éléments que nous rapportent les auteurs dans cette bande dessinée ressortent extrêmement bouleversants par leur côté cinématographique : car on aurait bien vu certains passages ou certaines ambiances dans un film de fiction, mais il est malheureusement là question de réalité… Il y a la scène de séparation d’avec les animaux domestiques quand la population est déplacée, par exemple. Pas franchement parce que chiens et chats sont tués (on comprend les raisons sanitaires) mais parce qu’on a dit aux enfants qu’ils les reverraient, qu’ils allaient rentrer chez eux et attendraient leurs maîtres ; et l’enfant de réfléchir : "Mais comment les policiers vont-ils ramener les chiens dans nos maisons puisqu’ils n’en ont pas les clés ?!". Mensonges pour faire passer la pilule, mais drame psychologique supplémentaire… Il y a aussi la triste destinée de ces infrastructures festives qui n’auront jamais été inaugurées et qui deviendront un des symboles du changement radical d’atmosphère à Pripiat et dans la région… Et tout le reste : à vivre ces choses aux côtés d’une famille de gens lambda, la vision de la catastrophe prend une ampleur bouleversante.

Derrière son titre en cyrillique et avec son très bon dessin en noir et blanc, la bande dessinée Tchernobyl – La Zone réussit sans verser dans le morbide spectaculaire à mettre en lumière de terribles vérités, à faire prendre conscience de l’importance (au delà de la technique) qu’aura joué la catastrophe sur le destin d’une population, sur sa descendance ou encore sur une terre souillée pour très très très longtemps. Sur un avenir sans plus trop d’espoir pour les victimes, aussi.

Tchernobyl – La Zone est une excellente BD à lire aux éditions Des ronds dans l’O, complétée par des contenus additionnels bienvenus.
 

Par Sylvestre, le 17 juillet 2011

Publicité