Supplément d'âme

À Dublin, un mystérieux homme dont on ne voit jamais le visage traverse la ville pour venir s’asseoir sur le port, toujours au même endroit, pour manger son petit plat préféré.
C’est un homme assez discret, entraîné dans sa routine journalière. Alors qu’il s’imagine devenir invisible au monde, insignifiant, que personne ne remarque, il ne se rend pas compte que tout le monde l’épie.
Qu’il soit ce sympathique client muet, cet "auteur" qui doit certainement préparer un livre, ou encore une silhouette qui se glisse avec régularité sur le quai, il ne passe justement pas inaperçu, jamais !
Ainsi, Willie, une jeune artiste en mal d’amour, l’observe chaque jour, fascinée par son profil tout rond. Elle s’en inspire pour façonner des grands oiseaux qu’elle dépose la nuit, masquée, dans la ville.
Et ils sont nombreux ceux qui le regardent, qui rythment leur propre vie selon ses apparitions, qui s’harmonisent en l’observant…
Mais un jour, il n’est pas au rendez-vous…

Par fredgri, le 13 mai 2012

Publicité

Toute la BD, que de la BD !

Notre avis sur Supplément d’âme

On a pris l’habitude, avec Kokor, à ces récits plein de poésie, de douceur, et franchement avec ce nouveau volume on est particulièrement gâté !

L’histoire commence assez mystérieusement.
Le narrateur, ce mystérieux personnage qui va déjeuner sur le quai, chaque jour, nous raconte comment, en postant un jour un message sur un forum (ou il raconte le rêve ou il s’imagine être un homme oiseau/poisson) il a provoqué une réaction en chaîne qui a permit le croisement de plein d’autres récits oniriques. On a du mal à complètement saisir ce qui peut l’amener à penser qu’il a ainsi amené la paix sur Terre, mais qu’importe, ce qui est ébauché à ce moment là, c’est l’amorce d’un réseau qui se développe à partie d’un seul élément. Comment engager un effet boule de neige pour harmoniser ensuite tout un groupe d’individu autour d’une idée, d’un rêve, d’un simple moment partagé. C’est la magie des rencontres, du hazard.
Alors on ne voit pas le visage du personnage, si ce n’est au travers des études que réalise Willie dans son atelier, des croquis qui s’accumulent, mais ça n’a pas vraiment d’importance, car ce qui l’est c’est ce qu’il symbolise, cette part de rêveur qui nous habite tous.

Et dans cet album l’accent est surtout donné au côté poétique du récit, à cette partie immatérielle qui se glisse entre les cases, dans le regard des uns et des autres, dans l’agencement mystérieux qui rythme à un moment donné le scénario, ce moment ou tout prend enfin un sens.
On peut être déstabilisé pendant un certain temps, on peut se demander ou est-ce que cela va nous mener, quel est le rapport entre les séquences. Mais tout finit par s’articuler tranquillement.

Ce qui fonctionne aussi très bien dans l’écriture de Kokor c’est cet art de ne pas trop en dire, de rester dans l’elliptique, dans l’évocation, de laisser l’espace pour que le lecteur puisse se glisser lui aussi dans le récit. L’auteur joue beaucoup avec les formes, les couleurs, ses personnages sont entre la silhouette et la figure plus précise, ils se posent, s’étirent, on se laisse prendre au jeu de la sensualité des couleurs, de ce couple qui se découvre, de cet homme qui se tient assis, c’est magnifique et même cette foule nous donne envie de nous y méler, c’est dire !

Un très bel album qui doit être doucement feuilleté, histoire de ne rien perdre… Lentement… Ne pas gaspiller ce petit supplément d’âme…

Très très recommandé !

Par FredGri, le 13 mai 2012

Publicité