Anatomie d’une œuvre

Avant de rencontrer le succès international qu’il n’a de toute façon pas eu le loisir de connaître, Stieg Larsson était un journaliste luttant contre le fascisme. Trois épisodes de sa vie – sa jeunesse dans le Nord de la Suède (1962), une incursion en Erythrée (1977) où il fournit des armes aux indépendantistes, et des aperçus de sa vie privée et professionnelle à Stockholm dans les années 1995, 1996 et 2004 – sont présentés dans cette BD qui dresse le portrait de cet homme engagé.

Par geoffrey, le 26 juillet 2014

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Notre avis sur Anatomie d’une œuvre

Relater 50 ans de vie et 4 épisodes de vie en 40 planches, cela s’apparente à un défi de haut vol. Les auteurs ont bien tenté de s’appuyer sur différentes époques significatives (Stieg à 8 ans, Stieg à 23 ans, Stieg à 41 ans). Ils ont même utilisé, pour ce faire, un procédé de récit journalistique où Stieg Larsson est à la fois le héros et le narrateur de sa propre expérience.
Mais cassons tout de suite le suspens : le résultat n’est pas à la hauteur du pari. C’est d’abord l’absence de fil rouge qui choque. Avec trois périodes de sa vie sans rapport les unes avec les autres, il est difficile de rentrer dans l’existence du romancier.
D’autant que sa motivation n’est pas très explicite. Les auteurs veulent nous faire croire que Stieg Larsson embrasse la cause anti-fasciste à 8 ans lors d’une chasse au renard. Pour imiter son grand-père. On est dans le caprice de gosse plutôt que dans la conviction vivace et profonde qui aura pourtant été le leitmotiv du journaliste suédois toute sa vie.
A ces maladresses au niveau du scénario s’ensuivent celles dans la mise en scène. C’est le cas pour les dialogues des personnages qui tiennent davantage d’explications de contexte que de vraies conversations. Ils sonnent de fait complètement faux. Décalés, ils touchent le fond lors de cette scène dans le désert de l’Erythrée où le futur écrivain s’envoie en l’air avec une soldate tout en parlant de… viol collectif. Pour un être sensible à la cause des femmes, il y a sans doute des sujets de conversation plus appropriés lorsqu’on est au lit avec l’une d’elles, non !?
Côté dessin, le choix du noir et blanc et d’un trait au crayon de bois donne un aspect daté et pesant. Comme une longue descente aux enfers au fur et à mesure de la lecture de l’histoire. C’est en accord avec le peu d’émotion qui transparaît dans la BD. En effet, quel que soit le personnage, le dessinateur ne semble en mesure de lui donner que deux expressions : un visage neutre et un autre en colère. Autrement dit, le panel des émotions est si peu varié qu’il ne peut générer aucune empathie.
Au final, cette biographie parcellaire s’apparente à un beau ratage. Elle est décevante à la fois pour l’amateur de BD qui ne prend aucun plaisir et pour le curieux qui souhaiterait approcher de plus près la vie du romancier suédois. A la place, ils ne découvriront entre leurs mains qu’une BD froide et qu’un récit forcément décousu. Seule consolation, les aficionados de Stieg Larsson trouveront, en fin d’ouvrage, une chronologie fournie de l’auteur.

Par Geoffrey, le 26 juillet 2014

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