SEIGNEURS DE LA TERRE (LES)
L'appel de Cérès

En 1999, Florian Brunet est un avocat de talent officiant à Lyon que la routine étouffe un tantinet. Alors qu’il se prépare à épouser la belle Anne, le jeune homme se voit appelé à l’aide par son père, un agriculteur cossu, de surcroit président d’une grosse coopérative céréalière. En effet, ce dernier a besoin d’un interprète pour un voyage d’étude qu’il organise pour le Conseil d’Administration au Paraguay et désire que Florian, à l’aise en espagnol, puisse l’accompagner. Malgré une réticence de sa compagne, l’avocat, tenaillé par une certaine envie, décide de s’envoler pour l’Amérique latine. Ce voyage, sponsorisé par un gros producteur de pesticides, va lui ouvrir les yeux sur une agriculture qu’il ne connaît que de très loin, intensive et aussi impitoyable, et qui va également le pousser à mettre dans la balance sa carrière professionnelle. Est-ce que l’appel de la terre sera le plus fort ? Et si c’est le cas, est-ce que ce virement pourra être accepté par son père et sa fiancée ?

Par phibes, le 20 janvier 2016

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Notre avis sur SEIGNEURS DE LA TERRE (LES) #1 – L’appel de Cérès

Après avoir été informaticien, avoir aidé son prochain dans son émancipation en tant que coach, Fabien Rodhain s’est lancé dans l’écriture. Il a notamment réalisé des pièces de théâtre (To green or not green, Des semences et des hommes), des nouvelles et romans (Autopsie d’une manipulation, Petit manifeste de rebelle engagé…), et se décide à présent d’approcher l’univers de la bande dessinée en présentant ce premier opus dédié à l’agriculture et à l’amour de la terre.

L’intention est on ne peut plus louable par le fait qu’elle a pour avantage de nous entraîner dans une histoire de famille qui semble partir d’un bon sentiment. Se rapprochant des récits contemporains empreints de ruralité de même type, que la maison Glénat n’a pas manqué de publier ces dernières années, à commencer par Châteaux Bordeaux (6 tomes), In vino veritas (2 tomes), Le sang de la vigne (2 tomes)…, Fabien Rodhain ne joue pas forcément la carte de l’originalité avec cette nouvelle saga qui a tout de même l’avantage de se détacher de la viticulture pour explorer un autre domaine, celui de l’agriculture.

Sous le couvert de l’appel de la déesse de l’agriculture et via une approche initiatique sympathiquement menée, le scénariste trouve le juste équilibre entre fiction et réalité. Ce tome d’ouverture nous permet de nous sensibiliser sur le parcours d’un jeune avocat qui ne va pas tarder à percevoir l’appel de la terre, à la faveur d’un voyage interpellant au pays de la culture intensive du soja, au Paraguay. Tout en restant dans une connotation réaliste, le scénariste joue habilement entre dénonciation d’un mode d’exploitation à outrance et aventure familiale, ne manquant pas de confronter les différentes cultures, transgéniques et bio, et également les différents modes de pensées intergénérationnelles. Aussi, bien que tout ne soit pas dit et que l’on perçoive déjà ce que l’évolution de la mentalité de Florian Brunet va générer autour de lui (inquiétudes, désillusions et séparations), on se laisse gagner par cette équipée qui gagne en intensité et de fait en intérêt au fil des pages.

Coloriste de formation, Luca Malisan a gravi les échelons pour atteindre le niveau qu’on lui reconnaît aujourd’hui en tant que dessinateur. Adepte d’un réalisme parfaitement maîtrisé que l’on a pu apprécier dans La conjuration de Cluny, Les amants de Carcassonne… et bien sûr dans In vino veritas, l’artiste assure une mise en images remarquable qui traduit à la fois une recherche documentaire indéniable pour les décors et un travail sur les personnages d’une très bonne expressivité. Il va de soi que son univers pictural gagne en profondeur grâce à la colorisation chaude et riche de Paolo Francescutto.

Un premier épisode d’une histoire familiale qui fleure bon la terre et qui ouvre des perspectives pour le moins intéressantes. Un appel à ne pas bouder !

Par Phibes, le 20 janvier 2016

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