Saveur Coco

Une cigogne nommée Jiri et son ami renard appelé Pôlka traverse le désert, sans eau, ils voient un poisson flotter au dessus d’eux, persuadés que s’ils le suivent, il les mènera à un point d’eau, ils croient apercevoir un mirage, croisent une faune rare mais toujours un peu allumée… Puis il y a cette noix de coco, si on écoute bien on peut même entendre le bruit de la mer…

Par fredgri, le 9 septembre 2013

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Notre avis sur Saveur Coco

On doit déjà à Renaud Dillies des albums comme "Bulles et nacelles" et le diptyque "Abélard". Dans ce one-shot en solo il nous propose, comme à son habitude, une galerie de personnages animaliers au comportement plus ou moins "loufoque". Il y a l’éléphant en panne qui cherche de l’eau pour son radiateur, le très élégant hippocampe, la petite autruche, le poulpe coursier, l’escargot géant… Jiri et Pôlka sont d’ailleurs une référence évidente au titre de la fable "Le renard et la cigogne" (bon, ça en reste là)… Toutefois la référence va un peu plus loin, car derrière cet univers poético absurde on sent surtout la présence du fabuleux strip de Georges Herriman, Krazy Kat. L’absurde, la sécheresse des décors, le sens de la mise en page, la logique des titres intérieurs, des éléments de décoration (plus africains que mexicain ou indien, pour le coup), des textes non-sensiques, même le lettrage semble un rappel continuel au chef d’œuvre d’Herriman (on a même droit au policier chien à la fin, comme un dernier salut au maître omniprésent dans chaque page !). Et pourquoi pas, car, une fois comprise cette filiation on peut apprécier les références et cette volonté d’ancrer ces deux personnages dans une démarche mêlant idées sur la vie, sur la quête de soi, le tout dans une ambiance frôlant continuellement avec le non sens. Bon toutefois, cela donne un caractère poétique quelque peu forcé, qui manque légèrement de naturel, malgré tout le dépaysement est fascinant aussi.

On suit les deux loustics dans une succession de petites aventures absurdes au sein d’une narration délirante qui joue avec les formes, les évocations, qui nous entraîne dans un imaginaire très jouissif ou Jiri et Polka finissent par ne plus savoir ou s’arrête la folie. On retrouve donc cette fascinante fraîcheur ou on reconnaît aussi l’univers de Fred en plus épuré et sec.
Dillies se fait plaisir au travers de textes savoureux et ingénieux ou il tord les mots et leur sens pour notre plus grand amusement !

Mais la lecture prend surtout une autre dimension graphique. C’est un pérpétuel jeu avec la page, la forme des cases, les cadres, les espaces… L’artiste s’amuse et c’est palpable sur chaque planche. C’est, comme chez Herriman, très inventif.
Bon, c’est parfois un peu obscure, difficile de voir transparaître un sens profond, parfois, dans cette errance, il y a toutefois une vraie cohérence d’ensemble, transcendé par la poésie ambiante.

On regrette quand même qu’il n’y ai pas davantage de travail sur le lien entre les personnages qui restent du début à la fin deux amis qui marchent ensemble, qui dissertent et basta ! Le lien avec l’univers qu’ils parcourent est tout aussi maigre, un univers sans histoire, sans contours ni attaches, presque anonyme. C’est un peu dommage, à la finale.

Malgré tout on reste, en refermant la dernière page, encore sous le charme de l’ensemble, comme après un rêve plein de couleur, presque silencieux !

Par FredGri, le 9 septembre 2013

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