SARIA
Intégrale

Sur le lit de mort de son père, la jeune Saria Asanti s’est vue remettre un coffret dans lequel se trouvent trois clés permettant de franchir les portes soit de l’Enfer, du Paradis ou du Néant. Tout en cachant cette boite qui attise bien des convoitises surtout de la part de son oncle le Doge, Saria, devenue adulte, s’est taillée une réputation de bienfaitrice au sein du peuple de la cité vénitienne et ce, au grand dam du Doge et de son bras armé, le Duc Amilcar. Aussi, fort de cette popularité et de l’appui de son protecteur Orlando, la jeune femme s’est décidée à venger la disparition tragique de son père. Pour cela, elle se doit de chercher la maudite Porte de l’Ange qui lui offrira la possibilité d’utiliser l’une de ses clés. Mais pour cela, elle va devoir faire face au sinistre Doge, à ses sombres phalanges fascii menée par le Duc Amilcar et au terrible Gardien de la Porte. Certes, elle aura l’opportunité d’être appuyée par la Dyle des Forçats et son nouveau martyr ainsi que de l’écorché et massif Major Sirocco. Mais seront-ils s présents lorsque Saria franchira le seuil des Enfers ? Par cette initiative, il va sans dire que la destinée de cette dernière va être profondément modifiée.

Par phibes, le 9 janvier 2021

Notre avis sur SARIA # – Intégrale

En même temps qu’est publié le troisième volet de l’équipée vénitienne de Saria au retour de son sombre périple au cœur de l’Enfer (voir La fin d’un règne), les éditions Delcourt ont décidé de l’associer à la publication de l’intégralité de la saga. Ce choix se veut des plus judicieux par le fait qu’il permet au lecteur qui n’a pu suivre les deux premiers tomes d’en avoir toute la saveur dans un album unique.

Cette intégrale a donc l’avantage de regrouper les trois épisodes qui relatent la destinée on ne peut plus impressionnante de la belle Saria. Paru initialement en 2007 sous l’intitulé Les Enfers, ce récit qui met à l’honneur le talent incontestable de Jean Dufaux, eu égard à sa verve incisive et à son imagination incroyable pour aller titiller des univers étrangement décadents, il se voit enfin repris en 2012 sous l’intitulé actuel avec un nouveau dessinateur (Riccardo Federici succédant à Paolo Serpieri). Octobre 2020 signera la fin de cette trilogie fantastique.

L’on concèdera donc que cette histoire somme toute effrayante qui prend ses bases au sein de la cité vénitienne des Doges et qui se veut visiblement en opposition à la série plus légère Giacomo C, bénéficie d’un pouvoir attractif énorme. Les fondations historiques ébranlées sur lesquelles elle repose, les émanations fascistes qui s’en dégagent, la déliquescence dans laquelle on baigne, la violence horrifique qui y règne, le fantastique religieux qui s’en imprègne, la sensualité qui plane ci et là, font que l’épopée de Saria coupe court à toute normalité et frappe généreusement la conscience. Jean Dufaux joue une carte cauchemardesque qui fait mouche, et à l’appui d’un scénario tiré à quatre épingles, où tout pourrait se passer, dresse une destinée où les rebondissements ont assurément une place prépondérante et suscitent bien des surprises glaçantes.

Cette intégrale est l’occasion d’apprécier deux dessinateurs italiens au talent incontestable. Si les graphismes de Serpieri bénéficient d’une réelle sensibilité et d’une belle sensualité, ceux de Riccardo Federici font, de par leur qualité quasi-photographique, presque froids dans le dos. Il ne fait aucun doute que ce dernier se plait à nous entraîner dans des retranchements dantesques sombres, angoissants voire apocalyptiques, installant une tension permanente qui sied pertinemment à l’histoire dramatique et violente de Saria. De la plus petite vignette à la planche intégrale, il démontre une rigueur artistique infernale, une recherche obsessionnelle de ce détail torturé qui heurte la sensibilité du lecteur et qui mettent en avant un cadre riche en arrière-plans et de personnages hors norme, inquiétants pour ne pas dire effrayants, inspirés pour certains (Mussolini pour Amilcar par exemple).

Une intégrale à posséder urgemment si vous avez raté les premières éditions qui, grâce à l’onirisme ambiant et à la force d’attraction de la destinée décadente de Saria, possède toutes les clés pour vous fasciner et vous faire frémir.

Par Phibes, le 9 janvier 2021

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