SANS PITIE
Table rase

Alors que convalescent après sa détention traumatisante, Manu s’exile à Sarajevo pour se replonger dans les ambiances d’une rave, la jeune Nawel, dépitée, quitte la France pour rejoindre son père en Algérie. A Marseille, l’enquête sur le tueur Ravel qui fait des coupes sombres dans les rangs de la mafia locale se resserre autour de Xavier Sarko. Au regard des indices glanés sur la jeunesse de l’assassin arabe, il semblerait que cette vendetta commanditée par Fourcroix, un ancien officier de l’OAS, trouve son origine lors des évènements de 1962 en Algérie.

Par phibes, le 1 janvier 2001

Publicité

Toute la BD, que de la BD !

Notre avis sur SANS PITIE #3 – Table rase

"Table rase" est le dernier épisode de la trilogie concoctée par un quatuor d’auteurs marseillais bien partis pour faire carrière. En effet, hormis Bruno Pradelle et Rémy Langlois que l’on peut connaître pour leurs travaux de colorisation dans bon nombre d’albums ("L’ultime chimère", "Flor de Luna"…) et qui interviennent au présent pour le premier en tant que co-scénariste et co-coloriste et le second en tant que co-coloriste, les autres auteurs en sont encore à l’aube de leur profession. Olivier Thomas s’est essayé le temps de 3 albums à l’héroïc-fantasy avec "Arvandor". Pascal Génot, quant à lui, est à sa première production. Il n’empêche que le résultat est là, surprenant de noirceur.

Ce tome est donc celui des révélations qui nous permettent de faire une plongée historique dans les évènements dramatiques de l’Algérie française des années 60. Plus particulièrement, c’est sur le passé tumultueux d’Antoine Ravel et de ses liens avec l’Organisation Armée Secrète (O.A.S.) que le récit s’appesantit, auréolé par les traumatismes qu’ont subi Nawel et Manu. De même, le journaliste Dubost obtient d’une façon tragique les derniers éléments qui lui permettront de clore son manuscrit sur Fourcroix et ses agissements terroristes.

L’atmosphère de cet épisode est conforme à l’ensemble de la trilogie et s’apprécie par son côté étouffant. La mainmise de la pègre marseillaise sur la police via le Commissaire Campanella et sur le trafic de drogue alourdit à souhait ce climat délétère. On a l’impression que la cause soutenue par l’inspecteur Cohen est perdue d’avance et que l’espoir d’aboutir se limite au bon vouloir de ceux qui se font la guerre à savoir Fourcroix et Sarko. L’horreur est également au rendez-vous puisqu’il y est question de tortures dont chaque incision de scalpel nous plonge d’avantage dans une folie destructrice.

L’opacité du récit a comme égal la noirceur des dessins d’Olivier Thomas qui dressent d’un trait fin et précis des visions à la fois cauchemardesques et très agréables. Si les décors développent pour certains un côté touristique, les personnages dégagent pour la plupart une certaine angoisse, un vague à l’âme qui mettent mal à l’aise ou encore une détermination inquiétante. L’héroïc-fantasy d’"Arvandor"est loin des graphiques présents qui reflètent des situations réelles et ténébreuses. Cette dernière sensation est confortée par quelques planches réalisées sur fonds noir que le dessinateur restitue avec brio. Par ailleurs, la couleur sans être agressive est on ne peut plus agréable et colle parfaitement, avec ses tons modérés, à ce genre de récit.

La cité phocéenne connaît des soubresauts qui pourraient ébranler les fondements même de "La Bonne Mère". Si vous voulez lire un récit noir, n’hésitez pas à vous jeter sur cette trilogie qui vous transcendera par sa sombre écriture.

Par Phibes, le 7 juin 2008

Publicité