La catastrophe de Courrières

En ce début du XXème, l’activité économique de la France connaît un essor particulièrement favorable. Entre autre, la production de charbon a atteint un niveau record, motivée par une demande de plus en plus forte. Aussi, être mineur à cette époque, de surcroît dans les territoires du nord, se révèle être tout de même avantageux. Sauf que le rythme de travail se trouvant de plus en plus soutenu, les conditions de travail finissent par se dégrader au point que des accidents surviennent fréquemment et que des mouvements de grève suivent rapidement le pas. C’est dans ce contexte sulfureux qu’à la mine de Courrières, le fils Pruvost a décidé, du haut de ses 14 ans, de devenir galibot. Ne pouvant intégrer l’équipe de son père, c’est le chef Nény qui le prend sous son aile protectrice et lui apprend les rudiments du métier. On est le 10 mars 1906, alors que les hommes sont déjà au travail à creuser la cave du diable, une gigantesque explosion ébranle les nombreuses galeries de la mine. Ce sera la plus grande catastrophe minière d’Europe.

Par phibes, le 4 mars 2013

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Notre avis sur La catastrophe de Courrières

Après avoir déjà traité des corons du Pas-de-Calais avec sa série Mangeur de cailloux, Jean-Luc Loyer revient sur ce sujet, cette fois-ci en se faisant fort de relater, sous le couvert des éditions Futuropolis et en un album unique, la tragédie que le monde minier a connu en 1906, dans les mines de Courrières.

On sent Jean-Luc Loyer totalement investi par ce nouveau projet qu’il nous sert à grand renfort documentaire et de subtilité scénaristique. Se faisant fort de découper son évocation en plusieurs chapitres, ce dernier fait en sorte, dans un premier temps, de bien camper le climat économique et social de la France, pour le moins euphorique en ce début du 20ème, pour mieux se focaliser ensuite sur ce que cette embellie va générer au niveau de l’exploitation des richesses naturelles et en particulier le charbon. Il vient par la suite faire le rappel de la tragédie, dans des effets et arguments purement frappants, n’hésitant pas au passage à narrer quelques tranches de vie dans les galeries éboulées (survie des rescapés, opérations de sauvetage) et dévoiler enfin les conséquences d’un tel désastre.

Pour ce faire, Jean-Luc Loyer ne lésine pas sur les moyens et, en appui de nombreux témoignages d’antan (écrits, photographies, reportages dont un petit aperçu est livré en annexe) qu’il a su récolter, a opté pour une évocation concrète, sans parti pris, s’appuyant sur des faits authentiques, des déclarations de tout bord et faisant appel à un large éventail de personnages ayant réellement existés (il en fait même la liste à un moment donné, à titre de mémoire). Certes, pour les besoins de son récit, afin que ce dernier ne soit pas trop général et qu’il conserve une portée humaine, l’auteur a souhaité se concentrer sur quelques protagonistes (le fils Pruvost, le chef Nény, le logeux, Ricq le délégué, Lavaurs le directeur……..) et retracer leur parcours face à cette crise éprouvante. A cet égard, le récit qui bénéficie d’une sensibilité certaine, n’exclue pas des relents d’amertume (les agissements peu ragoutants des responsables de la Compagnie des Mines avant et après l’accident) et nous fait toucher du doigt le caractère effroyable d’un tel drame vis-à-vis des familles minières.

Graphiquement, Jean-Luc Loyer démontre pleinement son potentiel. Son dessin en noir et blanc relevé par des aplats d’ocre superbes est un pur régal et se veut un reflet cohérent du drame de Courrières. Le trait qu’il utilise fait preuve d’une recherche documentaire indéniable, sensibilise par son réalisme historique et sa quête d’un certain détail. Assurément, l’artiste a trouvé le bon compromis pour rester dans une évocation sobre et efficace, sans tape-à-l’œil, générant des émotions parfaitement concluantes.

Un ouvrage didactique qui ne peut laisser de marbre, remarquable en tout point et qui se veut garder en mémoire cette terrible catastrophe de Courrières qui fit malheureusement 1099 victimes dont 242 enfants.

Par Phibes, le 4 mars 2013

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