Sandman: Ouverture

(Sandman: Overture 1 à 6)
Après une introduction ou l’on découvre la mort d’un Dream végétal, on rejoint Morpheus qui a décidé de punir le Corinthien pour ces dérapages meurtriers dans le monde réel. Cependant, alors qu’il va exécuter sa sentence, le prince des rêves est comme appelé par une étrange force qui le conduit à retrouver ses autres incarnations dans une assemblée de Rêves. Ils ont tous été conduits ici, car il se profile un incroyable désastre aux confins de l’univers, menacé de destruction par une étoile devenue folle… Morphéus est montré du doigt, rendu responsable par un acte passé qu’il a du mal à complètement appréhender ! Il doit alors tenter de comprendre ce qui se passe en allant trouver cette fameuse étoile, et en dernier recourt son père le Temps et sa mère la Nuit…

Par fredgri, le 20 novembre 2016

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Notre avis sur Sandman: Ouverture

On pensait que Gaiman avait définitivement laissé tomber son personnage fétiche, et nous découvrons, avec cet album, qu’il n’en est finalement rien. Il lui restait encore quelques éléments à nous raconter, notamment l’avant Sandman, les évènements qui ont précédé ceux de la série !

Initialement appelé "Sandman: Zero", ce récit entreprend donc de revenir sur les origines de Morpheus, de l’univers et expliquer pour quelles raisons il a pu être suffisamment affaiblit pour se laisser attraper !
Mais, comme on pouvait s’y attendre, Gaiman n’a pas ici l’intention de nous proposer une histoire linéaire et accessible trop facilement ! En effet, il faut accepter, pendant un bon tiers, si ce n’est plus, d’avancer un peu en tâtonnant, de se dire que certains éléments prendront leur sens plus tard. Il faut recoller, creuser et décrypter les pistes que le scénariste nous offre, c’est ardu, d’autant que tout du long on avance en se demandant ou il veut bien nous emmener, ce qu’il veut nous dire, dans ses multiples digressions et chemins de traverse ! Mais, paradoxalement, c’est extrêmement bien écrit et finalement captivant.
Neil Gaiman maitrise son univers, il glisse pas mal de références à la série, mélange les périodes, par exemple. Ainsi, La Mort annonce dès le début qu’elle a emporté son frère sans qu’il ne le sache encore, on voit ensuite Daniel qui vient récupérer un objet volé à son père le Temps, il lui rend avant que Morphéus vienne le visiter…

C’est complexe à suivre, car la trame de l’intrigue n’est absolument pas droite, il faut à la fois se convaincre que tout se passe avant la série, mais il faut en connaître certaines bases. Gaiman creuse donc le concept d’incarnation du rêve, celui du Temps et de l’origine de l’univers. Et en revenant sur l’avant il signe un très bel épitaphe !

Gaiman nous pond donc un scénario certes très prenant, mais très poseur aussi. Il mélange volontairement les cartes, nous embrouille et nous force à entrer dans une intrigue ou la notion de Temps, de Rêve font intégralement partie de la narration elle même.
C’est complexe, il faut s’accrocher, mais franchement le voyage en vaut largement la peine ! C’est très verbeux, mais c’est aussi une langue absolument magnifique, qui nous emporte dans ces scénettes nonchalantes, au limite des délires psychédéliques des années 70 !
J’ai juste le sentiment que les enjeux finaux sont quelques peu anecdotiques et que Gaiman règle tout ça en une pirouette assez facile, nous démontrant que la balade valait bien plus que le final lui même. On sent, malgré tout, que Gaiman retrouve la forme de ses grands jours, sur la série. Plus on avance, plus l’intrigue se canalise, devient plus cohérente.

Mais le grand point fort de cet album, bien avant Gaiman lui même d’ailleurs, c’est le travail de J. H. Williams 3 qui transcende complètement le scénario en jouant avec les limites de son propre graphisme, de ses mises en page… C’est éblouissant… Et même si on a parfois du mal à saisir certains enjeux dans la première partie, on se laisse définitivement charmer par la maestria de l’artiste (divinement accompagné par Dave Stewart, lui aussi très inspiré). Ses compositions de planches sont extrêmement originales (mais ça on pouvait s’y attendre, surtout depuis ses Promethea ou il explorait la forme et le fond, aux côtés de Moore) et inventives, mais ce sont surtout ses changements de style qui me fascinent… C’est audacieux et tellement intéressant !

Je recommande d’ailleurs, aux lecteurs attachés aux dessin pur, de récupérer les versions "Special Edition" des singles en vo. D’une part, parce qu’on a ainsi l’occasion de voir les planches de J.H. Williams 3, telles qu’il les a envoyées à Dave Stewart, donc en noir et blanc, avec parfois des incursions de couleurs par Williams 3 ! C’est évidemment sublime. A savoir que pour l’occasion, les lettrages de Todd Klein ont été atténués pour mettre davantage en avant le dessin ! Mais, à chaque numéro, il y a des bonus, les auteurs nous présentent leur façon de travailler, avec des exemples, des références. C’est en partie restitué dans les bonus en fin de cet album et c’est passionnant !

On devine un gros travail pour cette traduction en France, ne serait-ce que dans les lettrages. Toutefois, je regrette que Delirium ai été froidement traduit par "Le Délire" et deux ou trois petits éléments du même genre… Mais je chipote…

Toutefois, que le lecteur potentiel soit prévenu.
Tout d’abord, contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer, la lecture de la série, au préalable, est tout de même conseillée. Il y a pas mal de petites références qui peuvent prendre leur sens avec une meilleure connaissance de l’univers et du personnage.
De plus, c’est une lecture assez difficile, qui demande du temps, de l’attention, complètement en marge de ce qu’on peut trouver en bande dessinée habituellement. Car certes, c’est sublime graphiquement, mais l’histoire vaut aussi la peine d’être mieux appréhendée. Donc prenez votre temps et régalez vous !

Bien sur, c’est extrêmement recommandé !

Par FredGri, le 20 novembre 2016

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