Salam Toubib

1984. Pauline a 18 ans et toujours des problèmes à communiquer avec son père, Gilles Tardieu. C’est un homme froid et peu causant, qui s’est toujours plus occupé de l’entreprise familiale que de sa fille. Mais un événement va ouvrir une brèche. Alors qu’ils doivent tous deux prendre le train pour aller à une fête de famille, ils sont agressés par un homme armé d’un couteau. Gilles parvient à désarmer et mettre au sol le voyou en un clin d’oeil. Pauline en reste abasourdie.

C’est durant le voyage en train qu’elle commence à comprendre et à découvrir un pan du passé de son père. Il lui raconte ainsi sa guerre d’Algérie, qu’il a vécue en tant que jeune médecin appelé. Une expérience dont il n’est par rentré indemne.

Par legoffe, le 6 juin 2016

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Notre avis sur Salam Toubib

Cette bande dessinée reflète assez bien le sentiment que doivent vivre nombre de familles, pour qui la guerre d’Algérie – et ce qui s’y passait – débouche surtout sur le silence. Beaucoup d’anciens soldats restent, en effet, peu bavards sur la manière dont ils ont vécu le conflit.

Claire Dallanges s’inspire, pour sa part, des récits de son père, qui était médecin appelé en Algérie, pour nous livrer un récit de grande qualité, même s’il ne s’agit pas d’une BD biographique.

Ne vous attendez pas à une succession de combats ou à de longues séances de tortures. Si les hommes font parfois parler les armes au gré des pages, il est surtout question du travail d’un médecin, qui soigne autant les « roumis » que les arabes. Et si nous sentons souvent la guerre un peu loin de la vie de ce militaire, cette histoire n’en apporte pas moins un éclairage très intéressant sur ce triste épisode de l’histoire franco-algérienne.

A travers ces pages, nous découvrons l’état d’esprit général des populations et des soldats de l’époque. Et, au fil de ce récit qui se déroule de 1959 à 1961, nous suivons aussi l’évolution du regard que portent les uns et les autres sur la guerre et de l’inéluctable conclusion qui s’annonce ; ce que les pieds-noirs comprennent progressivement, à leur grand désespoir.

Plus le temps passe, plus les relations entre occidentaux et musulmans se lézardent, jusqu’au point de non retour. Un état de fait que raconte très bien le livre qui fait la part belle à l’humain, aux doutes et aux certitudes de chacun. Mais il sait aussi montrer les militaires dans leurs moments de détente. Leur jeunesse, mais aussi leur humour et leur relative insouciance, sont parfois un bon rempart contre l’attente et l’inquiétude.

Ce roman graphique est brillamment illustré par Marc Védrines, dont le talent n’est plus à démontrer. Son dessin est très vivant et donne des personnages criants de vérité. Le choix des couleurs, souvent tournées vers le jaune et l’ocre, se veut sobre, en phase avec un pays assez aride et poussiéreux. Les planches reflètent ainsi parfaitement le climat dans lequel vivent ces soldats.

De tout cela naît une bande dessinée passionnante et dotée d’un grand caractère, qui cherche à comprendre les uns et les autres plus qu’à les juger. Une très belle découverte et une occasion de plonger dans les « événements » de manière particulièrement humaine.

Par Legoffe, le 6 juin 2016

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