Rue des Chiens Marins

La vie n’est pas gaie à bord d’un u-boot. Le plus souvent, on reste enfermé et la monotonie n’est généralement brisée que par l’attaque d’un navire ou les bombardements des Alliés qui tentent de couler le sous-marin.

Josef, pour éviter de sombrer dans la folie, converse souvent avec un drôle de phoque. Il lui raconte son enfance, ses deux frères… et puis Emma, la jolie Emma, qui joue si mal du violon, mais qui est si radieuse. Il l’a vu partir avec sa maman pour les camps. Parce qu’elle est juive, Emma. Et lui, Josef, n’a rie pu faire contre ça. Deux jours après, il recevait son papier de mobilisation, direction la kriegsmarine.

Par legoffe, le 1 juin 2010

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Notre avis sur Rue des Chiens Marins

En nous entraînant à bord d’un u-boot, Michel Constant nous fait partager le voyage de ces hommes qui n’ont généralement choisi ni de vivre la guerre, ni de respirer l’air vicié des sous-marins. L’auteur nous fait découvrir ces parcours qui mènent des eaux glacés de l’Islande aux mers chaudes du Sud. Il nous fait, surtout, partager les réflexions de ses hommes soumis au stress, à la promiscuité, souvent face à leurs pensées.

Cela aurait pu donner un récit statique, terne. Il n’en est rien. L’auteur raconte tout cela avec beaucoup de poésie. Les phrases de Stevenson jalonnent les pages, racontées par un commandant de bord qui a préféré L’île au trésor à la Bible pour livre de chevet. Il tente ainsi d’apaiser ses hommes lorsque l’angoisse devient trop forte. Long John Silver et les boucaniers emplissent alors le navire qu’ils ont pris, cette fois, sans coup férir.

Et puis, il y a Josef et son imagination débordante, celle qui lui permet de parler avec les phoques ou d’imaginer les sirènes là où ne semblent plus nager que les morts. Ces passages, imagés, sont une bouffée d’oxygène, une bulle pour rappeler que le monde peut être beau même si les hommes semblent trop souvent vouloir le rendre laid.

Constant parvient ainsi à parler de la bêtise de la guerre, autant que de l’horreur de la Shoah, mais sans nous la montrer. La terreur de la guerre est là, implicite, racontée pudiquement, comme pour nous en épargner certaines images. L’ensemble est également allégé par les escapades dans l’enfance de Josef. Le sourire d’Emma efface alors la cruauté des hommes, elle représente l’amour universel, celui que personne ne devrait oublier, celui qui n’a ni camp, ni religion.

L’ensemble prend vit dans un très beau style graphique, une ligne claire qui rappelle beaucoup celle d’Emile Bravo.

Complexe dans sa construction mais pas dans sa lecture, cet album est très réussi. Plein d’humanité, riche en émotions, il a toute sa place dans la mythique collection “Signé”.

Par Legoffe, le 1 juin 2010

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