Le rose vous va si bien

En cet hiver glacial de 1853, la jeune Mathilda, orpheline de son état, se trouve devant la porte massive de l’impressionnant manoir de Lockwood appartenant au comte Edward de Kenston. Là, sous une neige battante, elle est accueillie froidement par le majordome de la haute maisonnée auquel elle déclare venir pour la place de gouvernante. Mais les présentations sont perturbées par un petit chien qui les oblige à partir à sa recherche dans les couloirs du château. Ils y croisent William de Kenston, le frère du maître des lieux, qui se charge d’introduire Mathilda auprès du Comte. Là, dans le salon richement décoré, la jeune femme a une vision étrange et fugace, celle d’une vieille femme tout de rose vêtue, qui lui conseille de se méfier des hommes à moustache. Elle n’a pas le temps d’en savoir un peu plus qu’Edward de Kenston apparaît. Une émotion partagée les entoure instantanément, bientôt dissipée par l’arrivée de la jeune Sarah, fille d’Edward. Le caractère insupportable de cette dernière associé à l’antipathie de son oncle William ébranle Mathilda. Ayant rejoint sa chambrée, Mathilda ne tarde pas à se morfondre. C’est à ce moment-là qu’apparait à nouveau la vieille femme en rose. Qui est-elle réellement et quel rôle peut-elle bien avoir dans l’histoire de Mathilda ? Et si c’était elle qui en était l’auteur ?

Par phibes, le 16 décembre 2016

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Notre avis sur Le rose vous va si bien

Les éditions Casterman mettent à l’honneur le remarquable travail du duo d’auteurs constitué par Eva Rollins et Véronique Grisseaux qui nous entraîne dans une histoire romanesque ayant la particularité de se nourrir grassement de l’univers littéraire de Barbara Cartland, la célèbre romancière à la rose attitude.

Tous les poncifs du roman d’amour sont bien exploités au départ. En effet, Véronique Grisseaux plante volontairement, à l’appui d’une ouverture dactylographiée à l’ancienne, un décor classique qui, assurément, respecte les conventions du genre. Par ce biais, elle nous ouvre la destinée de Mathilda, jeune orpheline miséreuse, dont le cœur va battre pour l’aristocrate local et dont la romance va être contrariée par les proches de son chevalier servant. Classique de chez classique, pourrait-on dire, si ce n’est que la scénariste, eu égard à l’hommage qu’elle souhaite rendre à Barbara Cartland, a décidé de donner à son récit un autre souffle on ne peut plus surprenant.

En effet, après quelques pages, l’on s’aperçoit que l’histoire de Mathilda est directement liée à une vieille femme excentrique, qui se veut être en fait celle qui écrit son histoire (reconnaître en Carlota Bartland la caricature de la romancière honorée), et qui se donne le pouvoir d’intervenir à de nombreuses reprises dans sa propre œuvre. Il ne fait aucun doute que Véronique Grisseaux a, par cette mise en abyme, opté pour une tonalité totalement débridée et s’amuse à bouleverser son histoire d’amour, lui donnant une interprétation complètement inattendue et fantaisiste jusqu’à son final.

Cette romance loufoque passe bien entendu par la mise en images libérée d’Eva Rollin. Cette dernière qui se veut très inspirée par l’univers graphique de Christophe Blain nous livre une partition entièrement débridée, portée par une hyperactivité débordante et par l’exubérante expressivité des personnages. Le message passe de fait efficacement malgré peut-être quelques défaillances au niveau du texte des phylactères.

Une friandise acidulée et pleine de fraîcheur livrée par des artistes qui se complètent parfaitement.

Par Phibes, le 16 décembre 2016

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