Dans le tourbillon des années folles...

En 1925, originaire de Quimper, la jeune provinciale Rose est montée à Paris pour travailler au central téléphonique Gutemberg. Quelque peu grisée par le bouillonnement ambiant qui règne dans la belle capitale et à la recherche d’un logement, la jeune fille fait rapidement la connaissance d’une de ses collègues Sidoine. Cette dernière lui propose de partager son appartement pour diminuer les frais. De son côté, suspecté d’avoir participé à un casse, Victor est interrogé au Quai des Orfèvres par l’inspecteur Lebrun. Afin de lui éviter l’inculpation, le policier lui propose de mettre à profit ses talents de boxeur pour intégrer le giron d’un certain Paul Sarazin, propriétaire d’une salle de sport et suspecté de s’adonner au trafic de drogue. Répondant à l’appel enchanteur de la nuit parisienne et de son microcosme grouillant, les deux jeunes gens ne vont pas tarder à se rencontrer, happés par le tourbillon de ces années folles et ce qu’il peut induire, en bon… et aussi en mal.

Par phibes, le 3 mars 2015

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Notre avis sur Dans le tourbillon des années folles…

Assurément inspiré par le travail réalisé sur ses derniers ouvrages intitulés Saga Parisienne et Saint Germain des Prés – Les lieux de légende (parus respectivement en avril et en septembre 2014) et surtout par ces ambiances d’après-guerre dans lesquelles a baigné la capitale française, Gilles Schlesser a décidé de remonter le temps pour nous plonger cette fois-ci dans la liesse de la vie parisienne des années folles (années 20).

Se déclinant sous la forme d’un récit complet, ce roman graphique nous offre l’occasion de rencontrer les deux personnages principaux, une femme et un homme, à savoir Rose, jeune provinciale fraîchement débarquée à Paris et Victor, jeune parisien pure souche. Gilles Schlesser permet, au travers leurs pérégrinations les plus diverses (amoureuses et policières), de découvrir la capitale sous l’angle festif, au travers des lieux mythiques du Paris des années folles et en particulier les cabarets comme Le Bal Nègre, La Closerie des Lilas… Là, en ces sites grouillant où se mêlent sans fin champagne, rires, musique jazzie et danses, où il n’est pas rare de rencontrer des personnalités de tout bord (politiques, littéraires, musiciens…), chacun s’adonne à la fête dans une insouciance caractérisée. A cet égard, pour bien camper cette vie nocturne, Gilles Schlesser émaille très habilement son récit de rencontres exceptionnelles. Rose et Victor se voient donc côtoyer physiquement Joséphine Baker, Hemingway, Foujita, Fitzgerald, Kisling, Desnos, Tzara…, la crème des personnalités qui fréquentaient activement à cette époque le quartier de Montparnasse.

Toutefois, cette vie noctambule possède son côté obscur. Gilles Schlesser le traduit via les vicissitudes de Victor sous la pression de l’inspecteur Lebrun et de Rose sous les sollicitations de son amoureux. On y découvre ainsi les différents trafics, ce qu’ils génèrent douloureusement pour se soutirer de leur emprise.

Il en découle donc une histoire totalement enivrante, à la fois déraisonnable et dramatique, totalement en adéquation avec les années folles. On se plait à suivre Rose, à apprécier son ingénuité rafraîchissante, sa légèreté personnifiée et on frémit lorsque celles-ci sont mises à mal par l’intervention poussée de Victor.

Eric Puech signe ici un travail graphique très agréable. Ce dernier a abandonné l’univers colorisé de son adaptation du Horla de Guy de Maupassant pour se focaliser cette fois-ci sur une représentation picturale en noir et blanc, subtilement encrée et soutenue par un léger lavis. Le résultat est particulièrement concluant, l’artiste parvenant à restituer une vision bien réaliste de Paname durant les années 20. L’effort documentaire est indéniable et se traduit très habilement au travers d’un choix d’instantanés parisiens parfaitement explicites. L’on saluera également son travail sur les personnages dont les effigies ont été mûrement étudiées (Rose incarne remarquablement la petite provinciale dans toute sa naïveté).

Un roman graphique sur les années folles superbement orchestré, à porter au crédit de deux artistes qui ont su plonger leur lectorat dans une équipée contemporaine mixant intelligemment rêves et désillusions.

Par Phibes, le 3 mars 2015

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