Le roi banal

Connaissez-vous le petit Royaume de Georgettia ? Non, c’est normal ! Il est le pur produit d’une cogitation isolée de Louis, une personne âgée qui, dans sa grande solitude depuis le décès de son épouse, œuvre au bienfait royal de sa petite personne. Peu en phase avec sa fille Florence, un tantinet tourmentée, et avec son gendre Gilles, facteur à l’ambition éteinte, il occupe ses royales journées à palabrer avec son unique sujet Bao, son chien et à guetter un balcon du collectif d’en face. Jusqu’au jour où Gilles découvre inopinément au centre de tri les lettres que son beau-père adresse sans relâche aux Nations Unies pour avaliser la création de son royaume. Voilà une situation peu banale qui devrait relancer l’ancienne passion romancière de Gilles. Mais pour cela, il va devoir affronter la suspicion de Florence.
 

Par phibes, le 1 novembre 2009

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Notre avis sur Le roi banal

Derrière un titre quelque peu surprenant, se cache une histoire toute en sensibilité qu’Antoine Ozanam, auteur aux horizons divers, a su concocter avec pudeur et intelligence. Pour ce faire, il nous présente son personnage principal, Louis, qui, dans sa douce quiétude, s’est créé un univers onirique dans lequel il s’est promulgué roi pour palier l’absence douloureuse de son épouse.

"Le roi banal" est très, très loin de la violence gratuite de "E dans l’eau" paru en mai de cette année 2009. En effet, en cette chronique sociale, le scénariste s’attarde à nous sensibiliser dans des tranches de vie pleines de naturalité, de sentiments antagonistes qui rendent cette évocation très attachante. L’émotion est au rendez-vous dès le départ lorsque l’on pénètre le concept royal de Louis, qui, dans une certaine lassitude et une légèreté avérée, nous fait "naviguer" dans son projet entre rêverie et réalité, et dévoile les relations rares et sans intérêt avec sa famille. De même, on sera suspendu à cette relation platonique basée sur l’observation d’une voisine qui apparaît de temps en temps, apportant dans une sorte d’attentisme un brin de bonheur au vieil homme.

Pareillement, on s’attachera à la vision du couple Florence/Gilles qui n’évolue pas forcément dans le bonheur parfait. Entre colères et dépits, on assiste passivement aux différentes incompréhensions conjugales qui présagent un avenir plutôt sombre. Malgré tout, l’espoir, et même l’amour auront leur place et éviteront de voir le récit plonger dans le noir le plus absolu.

La douceur scénaristique s’accorde à la perfection avec le graphisme délicat de Kyung-Eun qui, de par son expressivité semi réaliste et sa mise en couleur non agressive, a le don d’émouvoir. De son trait légèrement statique, il apporte un regard empreint d’une humanité ensorcelante, très subtile. On se délectera des nombreux alternats entre monde réel et rêve médiéval dans lesquels le dessinateur joue grassement avec les perspectives et les visions superbement détaillées. Ses personnages dégagent dans leurs mimiques une aura humainement probante, attachante qui les rend inévitablement, dans leur fragilité, très sympathiques.

Une bien belle histoire à mettre à l’actif des éditions Casterman qui touchera plus d’un lecteur par l’imagination de ses auteurs et sa générosité débordante et attendrissante.
 

Par Phibes, le 1 novembre 2009

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