Revenants

En 2008, Olivier Morel prépare un documentaire sur les vétérans de la guerre en Irak. De ses rencontres avec ces revenants naitra un film extrêmement fort et cet album, où il relate ses repérages, ses approches, les liens de confiance qui doivent se tisser avant que la parole ne se libère, difficile, violement angoissante pour ces femmes et ces hommes qui chaque jour doivent se battre avec des fantômes.

Par olivier, le 4 juillet 2013

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Notre avis sur Revenants

C’est une info diffusée par la radio de sa voiture qui va déclencher chez Olivier Morel, un français, expatrié aux états unis, le besoin de donner la parole aux vétérans de la guerre d’Irak. Dans le vacarme du monde cette petite news aurait pu passer, anecdotique. Mais pour lui, entendre que "trois vétérans de la guerre en Irak se suicident chaque semaine et qu’on dénombre cent mille vétérans sans domicile aux Etats Unis" déclenche une angoisse sur la société dans laquelle il aspire à vivre avec sa famille.
Il se rapproche par l’intermédiaire d’un ami de ces soldats et travaille dés lors au montage de son projet, d’un film documentaire, qui lui permettra de regarder l’Amérique dans les yeux.

Cet album, c’est l’histoire de cette approche, de ces rencontres souvent fragiles, de sa façon simple, naturelle d’amener ceux que la guerre a blessé corps et âmes a parler, à dire ce que mêmes leurs familles ignorent. La démarche est difficile, s’exprimer devant une caméra relève pour la majorité d’entre eux qui souffrent de désordres psychologiques d’un effort sur soi considérable.
Il en résulte un album sans concession ni complaisance, un album humain où l’auteur sait se faire discret pour laisser ces ex soldats tenter d’exorciser leurs démons. L’émotion est là, naturellement.
Le récit a comme un arrière goût de post guerre du Vietnam. Ce sont les mêmes vétérans, les mêmes rejets, la même incapacité à se réinsérer, à croire que la société civile et militaire américaine n’a rien appris ou ne veut pas reconnaitre le traumatisme subi par tous ceux qui se sont retrouvés au beau milieu de ce conflit.
Une guerre qui comme beaucoup d’autres à des origines ou au moins des intérêts économiques à exister et à se nourrir des hommes, de leur sang et de leur âme.
A moins d’être une brute attardée, ce qui doit être très rare dans nos armées modernes, il n’est pas possible d’envisager que ceux qui reviennent soient exempts de tout dommage psychique.
Abandonnés par la société, chacun lutte pour retrouver la paix, un équilibre profondément bouleversé. Certains n’y parviendrons jamais.

C’est une écoute libre et sans jugement que leur apporte Olivier Morel. Nombre d’entre eux accepterons de se raconter devant sa caméra.
Par besoin de catharsis, pour lutter contre ces images qui reviennent encore et encore hanter leur esprit. Des flashes atroces, la mort violente, sanglante, sans compromis, sale et souvent aussi, ce sentiment de culpabilité que les soldats trainent derrière eux. Mais aussi pour témoigner, essayer de modifier la perception que la société peut avoir de la guerre et des traumatismes qu’elle engendre.

Magnifiquement mis en images par Maël, dont le dessin expressif fait une nouvelle fois la part belle à la narration, ces rencontres et ces témoignages prennent une dimension humaine, une proximité troublante.
Il opère le basculement entre l’aujourd’hui du témoignage et le passé proche de la guerre avec tout le symbolisme du noir et blanc d’une vie sans attrait, brisée et le rouge bistre de la violence, du sang et de la peur.

Les Revenants est un album superbe, par le scénario qui transmets avec beaucoup de retenue les témoignages des ex soldats, par le trait de Maël qui sait laisser sourdre l’émotion d’un regard, mais aussi dans la vision objective que le récit porte sur la réalité américaine.

Par Olivier, le 4 juillet 2013

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