Rentre dans le moule

 
Grande période de remise en question pour Jean ! Suite à un RDV avec son "ancien" des Arts et Métiers, il va accepter un boulot de conducteur de travaux mais sa compagne Clara n’est pas exactement ravie d’apprendre la nouvelle : elle qui doit bientôt accoucher aurait préféré un papa un peu plus longtemps sans emploi mais disponible pour sa famille plutôt qu’un papa toujours absent pour cause de journées à rallonge !

Et c’est bien là tout le problème, et notamment en début de carrière… Ces choix qu’il faut faire, tiraillé entre des opportunités professionnelles et les contraintes de la vie de couple dictées par les attentes de l’autre.

A bien y regarder, ça ne date pas d’aujourd’hui, ces doutes qu’a Jean sur sa vie et sur son avenir… Ses études aux Arts et Métiers l’illustrent parfaitement : entré là peut-être inconsciemment pour faire plaisir à son père, il s’est retrouvé embarqué dans une manière de vivre et de penser… à laquelle il n’adhérait pas, au fond. Mais alors, qu’est-il devenu, ensuite ?! Quelqu’un de formaté et de promis à de hautes responsabilités ou quelqu’un ayant encore son mot à dire sur la vie qu’il souhaite mener ?
 

Par sylvestre, le 28 juin 2017

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Notre avis sur Rentre dans le moule

 
L’Ecole Nationale des Arts et Métiers est une institution de laquelle on peut être fier de sortir diplômé. Il y règne un véritable esprit de corps et la solidarité qui s’y développe joue ensuite tout au long de la vie professionnelle. La plupart des "Gadzarts" accède ensuite à des postes importants et leurs salaires sont à la mesure des responsabilités qu’ils prennent, mais cela fait-il à coup sûr d’eux des gens entièrement satisfaits ?

Dans cette bande dessinée, l’auteur "Le Cil Vert" nous parle de ces vertiges qui l’ont pris lorsqu’il est entré aux Arts et Métiers, et notamment pendant la fameuse période de bizutage, en première année. Il nous parle de ces doutes qui l’ont assailli lorsqu’il s’est vu aspiré dans un univers qui ne l’attirait pas, voire qui lui faisait peur ! Puis il revient sur le décalage qu’il a vécu, une fois "rendu à la vraie vie", entre les ambitions auxquelles il pouvait théoriquement prétendre, fort qu’il était de son diplôme, et les obligations plus terre-à-terre mais peut-être tellement plus belles à vivre de la vie de couple et de futur papa qui l’attendait…

Est-on un traître ou un faible ou un looser si on ne suit pas jusqu’au bout la voie sur laquelle on s’est engagé ? Même s’il avait le niveau et est ressorti diplômé, Jean s’était orienté dans ses études sans être convaincu. A la sortie, Jean a donc sans doute eu peur du jugement des autres Gadzarts, peur d’être le médiocre, celui qui ne veut pas affronter les choses. Peut-être que d’un autre côté, il était mal à l’aise à l’idée de gâcher ses talents s’il ne se lançait pas "là où il aurait logiquement dû se lancer" ? Et alors ? Faut-il sacrifier ses rêves ou ses idées pour "tenir son rang" coûte que coûte ?

En entremêlant des scènes vécues au présent dans le contexte de l’attente et de l’arrivée de bébé et des moments vécus lorsqu’il étudiait aux Arts et Métiers, l’auteur nous parle de deux expériences fortes dans lesquelles son personnage Jean ne s’est jamais senti complètement à l’aise. Ces expériences l’ont fait cogiter, par contre, et c’est sans doute ces réflexions qui ont fait que Jean ne s’est jamais perdu lui-même. "Moins par moins, ça fait plus !"

En mode humour mais avec une certaine amertume, Le Cil Vert  nous parle à travers Jean de ces vies qu’on vit parfois en passant à côté de celles qu’on aurait voulu vivre. Dans Rentre dans le moule, il nous dévoile aussi – et c’est intéressant de pouvoir regarder ainsi par le petit trou dans la palissade – quelques pratiques en vogue aux Arts et Métiers (de Bordeaux). Il nous amène enfin et surtout à réfléchir sur qui on est et qui on voudrait être ; une question qu’il faut se poser puisqu’on a tout à gagner à être heureux plutôt qu’à vivre pour les autres et à travers leur regard.

De la philosophie avec un petit "p", mais de la philosophie quand même ! Une lecture intéressante et touchante à découvrir dans la collection Shampooing des éditions Delcourt.
 

Par Sylvestre, le 28 juin 2017

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