Radium girls

En 1918, à Orange, dans le New Jersey, Grâce Fryer travaille comme ouvrière à l’United State Radium Corporation où elle couvre de peinture au radium les chiffres des cadrans de montres pour les rendre lumineux. Chaque jour, elle y retrouve ses collègues et amies et répète inlassablement des gestes précis. Le jour où Edna Bolz fait son entrée dans l’entreprise, elle lui enseigne précisément ce qu’elle doit faire. Elle finit par adopter la nouvelle venue et l’intègre dans son groupe d’amies qui se fait appeler les « ghost girls ». Pourquoi ce surnom bizarre ? Edna va le découvrir le soir au moment de se coucher : ses mains sont phosphorescentes. A n’en pas douter, la peinture au radium qu’elle utilise produit des effets sur elle comme sur ses amies. Elle finit comme ces dernières par s’en amuser lorsqu’elles font la fête au point que certaines utilisent la peinture pour se couvrir les ongles, les dents. Lorsque le Dr Von Sochocky les met en garde sur la manière d’utiliser la peinture, le doute s’immisce dans le groupe des ouvrières. Est-ce que la peinture serait réellement nocive ?

Par phibes, le 14 septembre 2020

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Notre avis sur Radium girls

Chroniqueuse patentée sur le site de Madmoiselle.com et à l’origine du diptyque Le vrai sexe de la vraie vie, la pétulante Cy revient pour nous exposer son nouveau roman graphique publié chez Glénat. S’éloignant carrément des ambiances humoristiques antérieures, elle opte cette fois-ci pour une évocation historique liée à la destinée dramatique de nombreuses femmes américaines, certes aujourd’hui oubliées, mais qui ont contribué grandement à l’amélioration des conditions au travail.

Pour cela, nous nous retrouvons à la fin du premier conflit mondial, aux Etats-Unis où le radium, minerais hautement radioactif et nocif, n’a pas encore été déclaré en tant que tel et est utilisé à toutes les « sauces », que ce soit pour la santé, pour l’habillement… et également en peinture pour rendre phosphorescents les cadrans de montres. C’est justement dans ce type d’entreprise que Cy nous immerge afin de nous raconter la sinistre tragédie de ces ouvrières qui, à longueur de journée, colorisaient ces fameux cadrans.

Mollie, Albina, Katherine, Edna, Quinta (qui ont réellement existé) nous apparaissent dans toute leur féminité et leur enthousiasme, ignorante de la bombe à retardement qui se trouve au-dessus de leur tête. Elle s’offre à nous dans une émancipation particulièrement palpable, partageant leur envie d’exister, leur exubérance… et leur insouciance par rapport au métal qu’elle manipule sans aucune précaution. Evidemment, cette désinvolture qui nous inquiète est due à une ignorance entretenue par leur encadrant de l’USRC, ce qui en soi, est on ne peut plus révoltant.

On concèdera que ce récit se veut à la fois léger par l’exaltation qui se dégage de ces femmes fantômes et bien attristant par l’inéluctabilité de leur destinée. Cy trouve le bon moyen pour nous envoyer un message fort, qui a la spécificité d’être délivré avec une réelle pudeur, sans tomber dans le pathos et qui, bien entendu, a tendance à nous faire réfléchir sur ce qui se passe aujourd’hui.

Graphiquement, l’artiste a souhaité jouer avec des crayons de couleur et mettre en avant une mise en image stylisée. Il en résulte un travail coloré plutôt original avec des dominantes de vert phosphorescent (pour les radiations) aux effets habilement attractifs. L’effort documentaire est indéniable (la reproduction des usines, des ateliers est conforme à l’époque post-guerre). Les personnages, à la représentation assez épurée, dégage une féminité exacerbée qui est loin de laisser insensible. A noter des encarts de planches oniriques superbes et une très belle couverture irradiante, en plein dans le sujet, qu’il convient d’examiner dans le noir.

Un récit somme toute puissant, qui nous ouvre les yeux sur des faits rigoureusement exacts et tragiques, et qui ont eu pour conséquence d’agir sur les consciences des générations suivantes. A lire donc !

Par Phibes, le 14 septembre 2020

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