PUTAIN D'USINE
Les fantômes du vieux bourg

Accroché aux abords de l’usine, le vieux bourg, quartier d’un autre siècle en déshérence, s’époumone au gré des vicissitudes que subissent les gens qui le peuplent. De souche ouvrière, ces derniers, en quête de conditions plus favorables ou d’idéal, vivent voire survivent dans ce milieu fantômatique dégingandé en permanence en sursis.
 

Par phibes, le 1 janvier 2001

Notre avis sur PUTAIN D’USINE #2 – Les fantômes du vieux bourg

Le milieu social ouvrier dont est issu Jean-Pierre Levaray n’a pas fini d’inspirer ce dernier tant il en est imprégné. Après "Putain d’usine", il revient à nous pour évoquer les conditions malheureusement difficiles d’une frange populaire à la dérive, menacé par un système qui semblerait peu enclin à écouter son appel.

Sous forme de tranches de vie, il dresse des portraits de personnages émouvants, désabusés, mal dans leur peau, perdus dans leur condition de retranchés, ce qui favorise peu leur épanouissement. Il va de soi que le ton est relativement sombre à l’image de la couverture de l’album ou du ciel noirci par les fumées des cheminées des usines et qui ne laisse entrevoir que quelques éclaircies sporadiques. Pourtant, il y a de la vie dans ce bourg ; sa population semble s’accommoder de son sort et en tire même, par solidarité, quelques profits.

Les mots et les tournures de phrases qu’emploie l’auteur font leurs effets, découvrant une sorte de militantisme, dans une évocation grave presque monocorde, doucereuse, sans violence. Bonheur et malheur semblent confondus dans une apathie populaire observée et narrée par une personne du cru.

Cette introspection dans le bourg est l’occasion par Jean-Pierre Levaray de traiter de thèmes propres à ces quartiers ouvriers. Désertification suite à une politique urbanistique engagée, pluralité de races, désoeuvrement, anarchisme, alcoolisme, mort… passent sous la plume partisane du scénariste et se déclament dans une minutie documentaire.

Aussi, Efix, qui réitère son association avec Jean-Pierre Levaray, a du pain sur la planche et se découvre dans des travaux graphiques multiples. Du simple crayonné à une vision réaliste, d’une utilisation de tableaux de maître à des insertions photographiques, ce dessinateur prouve sa polyvalence et son goût pour l’atypique bien maîtrisé. La plupart de ses personnages possèdent des gueules bien représentatives, sorties d’un contexte humoristique voire caricatural mais à la finalité somme toute dramatique et se révèlent dans des situations touchantes bien appréhendées.

"Les fantômes du vieux bourg" se veulent être un témoignage poignant, sombre et acerbe et également un appel à la réflexion sur les conditions d’une certaine catégorie sociale dont il est, semble-t-il, difficile de revenir.
 
 

Par Phibes, le 16 janvier 2009

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