L'héritage de l'homme-siècle

Depuis son affrontement final avec John-Lou Bonseigneur et après lui avoir effacé la mémoire, Simon Radius semble à la fois avoir perdu ses pouvoirs, il ne peut plus exercer son métier et le procés qui l’oppose aux avocats de Bonseigneur risque de lui être fortement défavorable. Cependant, il reçoit la visite de Henri Du Perthuis qui lui demande d’aider son père à recouvrir sa mémoire, afin qu’il se souvienne ou il pourrait avoir caché son mystérieux "trésor". Si Simon accepte, Henri s’engage à l’aider dans son procès qui se profile… De mauvaise grâce, le psycho investigateur décide de tenter le coup et découvre que ses pouvoirs sont bel et bien toujours là… Par contre, ce voyage risque une nouvelle fois d’être éprouvant, à la fois pour le vieil homme, et pour Simon aussi…

Par fredgri, le 31 mai 2017

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Notre avis sur L’héritage de l’homme-siècle

On se souvient encore de la fabuleuse Intégrale du Psycho Investigateur, parue en 2013, qui nous avait vivement enthousiasmé de par son incroyable audace formelle, et par la profondeur de son intrigue orchestrée de main de maître par Benoit Dahan et Erwan Courbier, qui prenaient un plaisir évident à entraîner leur étrange héros dans des aventures psychiques hors du commun !

Et quelle surprise de découvrir, progressivement, sur la page Facebook de Benoit, d’une part, et au travers d’une très belle exposition il y a deux ans, à Beire Le Chatel, qu’une suite se profilait doucement à l’horizon…
Les planches étaient évidemment très impressionnantes, et ce qu’on devinait de l’histoire ne pouvait que nous intriguer au plus haut point.
Alors quand, en ce mois de mai, est arrivé cet "Héritage de l’homme-siècle", je dois bien avouer avoir trépigné d’impatience de le dévorer !

Et le moins qu’on puisse dire c’est que les deux auteurs sont restés fidèles à l’ambition du précédent volume !!!
Non seulement le scénario s’inscrit dans la complète continuité de l’Intégrale, mais en plus il en profite pour venir compléter l’histoire et ramener de nouvelles pistes sur le passé de Simon, permettant ainsi au récit de rebondir très habilement et d’amener une éventuelle suite (sait-on jamais !!!). Il faut quand même savoir que l’exigence de la "série" était déjà très élevée,et bien, ici elle monte d’un cran supplémentaire !

Mais avant même de plonger aux côtés de Simon nous entrons dans ce livre objet par le biais d’une couverture qui reproduit le même procédé d’ouverture vers une deuxième de couverture riche en détail. Les yeux du visage ouvrant sur l’intérieur et nous faisant découvrir un paysage extrêmement détaillé.
Dès les premières pages Benoit Dahan s’ingénie à jouer avec ses cases, avec la planche entière, construisant des tableaux, des mises en page particulièrement précises ou même le cadre des cases peut prendre vie. C’est astucieux et savoureusement époustouflant.
Le premier contact avec l’album est donc d’abord visuel. On est transporté dans un rapport à l’œuvre qui passe par une interrogation formaliste sur ce qu’est une bande dessinée, et quelles en sont les limites. Mais plutôt que théoriser, Benoit préfère être démonstratif, nous montrant son incroyable imagination et cette capacité à s’amuser avec le cadre de l’histoire. Ainsi, ici on se retrouve dans une vue en coupe d’une maison, ici les cases prennent la forme de motifs décoratif, ici il faut lire la page avec les dialogues qui apparaissent par transparence…
Mais loin d’être de l’esbroufe, cette démarche tend à nous entraîner dans un univers matériel donc les détails ont un rôle prédominant sur les plongées immatérielles de Simon. Ainsi l’artiste nous amène à interagir, à repérer quelques petits éléments dans des coins, à plier un coin de page et tenter d’en comprendre le sens !
Du coup, la lecture en devient presque jouissive car parfois assez ludique, sans jamais devenir inutilement cryptique. Le principal étant de créer un lien avec le lecteur et non de le perdre dans des jeux bassement formalistes !

Nous découvrons ensuite le récit en lui même, l’après, ce qui suit les démêlés de Simon avec John-Lou. Quand il glisse dans les souvenirs du vieil Eugène, il doit combattre les barrières qui se sont accidentellement dressées, le rendant malheureusement amnésique. Les enjeux sont passionnants, car Simon va devoir extirper les quelques souvenirs qu’il peut récupérer, et à partir de là, tenter de décoder le reste.
On devine très vite que cette mission va être difficile, qu’on est loin de tout appréhender, tandis que doucement, en substance Simon devine qu’il doit aussi s’impliquer personnellement, qu’il doit se confronter à son propre passé…

Un très beau scénario, très intelligemment mené, avec des rebondissements savoureux, et des pistes qui s’ouvrent pour la suite.
Mais l’album est tellement conçu comme un tout, ou la forme et le fond se croisent sans cesse, ou le lecteur doit s’impliquer, ou il est même parfois sollicité pour faire avancer l’intrigue que c’en est fascinant de virtuosité. On a envie de le montrer à tout ceux qu’on croise, d’en vanter l’ingéniosité, d’en conseiller vivement la lecture…
La preuve parfaite qu’il est aujourd’hui possible de produire des albums inventifs, très accessibles (même si parfois les voyages de Simon sont ponctués de petites théories qui peuvent refroidir les néophytes…), qui tirent, surtout, le lecteur vers le haut ! Et rien que pour ça, cette lecture est absolument indispensable !

Donc si vous recherchez un album qui peut vous faire lire de la BD "autrement", lisez sans plus attendre ce nouvel opus du Psycho investigateur, vous ne serez pas déçus !

La BD de l’année !

Par FredGri, le 31 mai 2017

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