Portugal

Simon Muchat est auteur de bandes dessinées. Mais il a perdu le feu sacré, il ne sait plus quoi raconter et n’a plus envie d’essayer. Un voyage impromptu au Portugal va l’amener à s’intéresser à ses origines, à sa famille. Et cela va le changer pour de bon…

Par Arneau, le 6 octobre 2011

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2 avis sur Portugal

Quatre après le poignant Trois ombres, l’attente autour de cet album était importante pour les fans de l’auteur. Les planches aperçues sur le net laissaient entrevoir de belles choses et ont fait monter l’impatience. Mais cela valait le coup d’attendre ! Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de lire une BD de plus de 250 pages, mais surtout l’auteur nous livre une œuvre riche et subtile qui séduit autant dans la forme que sur le fond.

Le lecteur suit le personnage de Simon (présent dans toutes les scènes) à travers un voyage initiatique qui le sortira d’un quotidien terne qu’il ne supporte plus pour l’amener vers le pays des ses origines. Ce trentenaire déboussolé va se découvrir au fur et à mesure qu’il explore ce pays qu’il ne connaît pas.

Construit comme un récit introspectif, cet ouvrage amène des réflexions sur la famille et sur la filiation sans jamais paraître grandiloquent ou ennuyeux. L’auteur évite cet écueil en restant toujours léger et en portant une attention particulière aux dialogues qui sont d’une grande justesse. Les personnages sont travaillés et crédibles et l’auteur passe avec bonheur des rêveries de Simon au plus banal de son quotidien. Ces moments de pause ralentissent le rythme et permettent au lecteur d’aller y chercher ce qu’il a envie. Au fil de ces pérégrinations, le lecteur est guidé par un graphisme convaincant qui se met au diapason des humeurs du personnage. Le lavis délavé du début s’oppose aux couleurs flamboyantes et aux cases libérées du dernier chapitre.

Tout au long de cette histoire, l’auteur nous parle de Simon, nous parle de lui et de nous dans un maelstrom passionnant et marquant. Et l’on pourra dire, sans risque de galvaudage, que ce magnifique ouvrage constitue une des lectures indispensables de cette année 2011.

Par Arneau, le 6 octobre 2011

Peut-être me direz-vous qu’après tout il ne s’agit que d’une BD, un truc avec des dessins, des bulles, qu’il n’y a pas de raisons pour aller s’immerger comme ça dans quelque chose qui n’est que de la fiction, qu’un objet qu’on range ensuite avec les autres. Autour de moi, beaucoup considèrent que ces loisirs ne sont et ne doivent n’être rien d’autres que des loisirs, que ça ne doit pas empiéter sur ta vie ou la vision que tu dois en avoir.
Alors oui, il ne s’agit que d’une BD, bien sur, de même qu’un verre d’eau n’est qu’un verre d’eau, de même qu’une magnifique chanson écoutée allongé dans l’herbe n’est qu’une suite de mots avec de la musique autour… Mais il arrive aussi que tout puisse être juste une "inspiration"…

Donc, voilà, j’y ai vu une résonance, une voix qui se glisse progressivement au fur et à mesure des pages. Très vite, ce mélange de fiction, d’autobiographie s’est teinté de souvenirs, d’impressions fugaces. Cette famille, ces rires, ces moments passés à tendre les jambes, assis sur une chaise, sur une terrasse, à la tombée de la nuit, m’ont ramené vers quelque chose de bien concret, qui échappe complètement au cadre de l’album, qui gagne en parfum, autour de moi. En suivant des yeux ce dessinateur, Simon, en découvrant ses doutes, ses interrogations, cette perte de la passion, de l’essence de ce qu’il est profondément, j’y ai retrouvé, à ma mesure, les zones d’incertitudes qu’on peut avoir en tant "qu’artiste".
Oh, je ne suis pas là pour me réapproprier le sujet. Simplement, à un moment, j’ai été très touché par tout un aspect de cet album, par le regard tout en finesse, en subtilité que pose Pedrosa sur la création et sur les effets qu’elle peut avoir sur la vie. Ainsi que sur la nécessité, parfois, de se ressourcer pour ranimer l’essentiel, retrouver l’envie des respirer lentement en levant le nez.

Le lecteur s’installera peut-être dans son coin favoris pour lire ces 257 pages, aura-t il, à un moment l’impression que ça ne "décolle" pas, qu’il n’y a pas vraiment de "scénario"… Mais, s’il est un minimum réceptif, il saura aussi reconnaître les signes qui peuvent l’amener vers les grandes BD, cette sensation de vivre une expérience ou simplement de croiser le regard d’un auteur sincère qui nous emmène, main dans la main, vers un voyage chez lui, parmi les siens, dans ce pays pas très lointain, en fin de compte.

Je viens donc de refermer la dernière page de ce sublime album, transporté par la délicatesse de l’atmosphère et complètement conquis par la richesse du graphisme de Pedrosa. Tout au long de ses pages, il nous transporte littéralement sur ses épaules, nous émerveillant grâce à ses audaces graphiques, tentant des expériences, mélangeant des techniques, jouant sur ses cadrages, débordant par-ci épurant par-là.
Il s’agit ici, tout bonnement, d’une incroyable leçons de BD, qui me laisse encore sans voix, ému.

En fin de compte, peut-être qu’un jour, je me glisserais dans une file d’attente avec cet album de "BD" sous le bras, que je me rapprocherais tranquillement avec juste l’idée de discuter "Vous savez, je dessine un peu dans mon coin aussi et…" Les meilleures moments sont peut-être ceux qui s’éloignent de la fiction, en effet… Même si tout ça c’est juste… de la BD…

Par FredGri, le 27 octobre 2011

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