Photo de la favela

 
Ce fut assurément, à une certaine époque, une colline garnie d’arbustes ; comme son nom, "morro da favela", l’indiquait. Mais lorsque des gens ont commencé à s’y installer dans des maisons de fortune, on a commencer à parler de ce lieu en détournant son nom originel, jusqu’à ce que le terme "favela" s’impose et devienne synonyme de bidonville, ou en tout cas de quartier pauvre…

Parce que le terme "favela" s’est ensuite répandu et est devenu le mot-étiquette des nombreuses zones semblables du Brésil, notre "morro da favela" a été rebaptisé Morro de la Providencia, du nom de la région dans lequel il se trouve.

C’est dans cet univers qu’a grandi le petit Mauricio Hora… Au rythme des rondes de police qui étaient plus prétextes, pour les agents, à se défouler et à bastonner du pauvre en espérant qu’en tuer un de temps en temps liquiderait un trafiquant de drogue…

Et c’est vrai que la drogue, tout le monde savait où la trouver, dans ce monde à part. Et chacun de se forger son statut social en fonction de s’il fait partie des réseaux de trafiquants ou pas. Mais le père de Mauricio s’est trop souvent retrouvé derrière les barreaux pour que son jeune garçon ait eu envie de vivre de la même manière ! Mauricio a donc trouvé un travail légal, chez un joaillier, et s’est tenu à cette activité jusqu’à ce que l’occasion se présente à lui de posséder un appareil photo.

A partir de ce jour, Mauricio n’a plus cessé d’arpenter sa favela et d’y faire des photos. Innombrables, désormais appréciées dans d’importantes expositions internationales, elles ont été sa manière de sortir de la fatalité et le moyen de montrer au monde qu’avant d’être des bandits crasseux, les pauvres des favelas sont des hommes, des femmes, et des enfants…
 

Par sylvestre, le 12 juillet 2012

Notre avis sur Photo de la favela

 
Elle vous fera sans doute penser au superbe Mon bel oranger, de José Mauro de Vasconcelos, puisqu’il y est également question d’un petit garçon brésilien mû par l’envie de sortir de la pauvreté où il a grandi. Et elle est tout aussi belle : c’est l’histoire du désormais célèbre photographe Mauricio Hora, reconnu internationalement, que vous présente cette bande dessinée des éditions Des ronds dans l’O, doublée, parce qu’on se retrouve aux côtés du héros, d’une invitation à voir "de l’intérieur" la favela de laquelle il est issu.

Mais plutôt que sous la forme d’un roman, c’est en images que ce parcours de vie est à découvrir. Et ce par le trait original, en noir et blanc, de André Diniz qui lui a d’ailleurs valu d’être plusieurs fois récompensé pour son travail.

Très brut, très anguleux, très cubique, s’apparentant parfois à des compositions comme des collages, du pochoir ou du vitrail, usant aussi volontiers de contrastes et de silhouettes, le graphisme d’André Diniz est à peu d’autres pareil et s’amuse plus d’une fois transformer la couleur noire d’un trait de contour en la couleur de remplissage de la zone d’à côté, laissant à la couleur blanche, voisine, la mission de faire l’inverse ! On n’a pas vraiment de mal à entrer dans ce dessin qui peut faire penser, dans son genre, à ces dessins naïfs aux contours gras de l’art antique de l’Amérique Latine ; et plus on avance dans la lecture, plus on dompte ce graphisme, et mieux on trouve les repères pour tout mieux déchiffrer (motifs ou détails nous aidant à reconnaître les personnages, par exemple).

Après la bande dessinée, un cahier supplémentaire présente des "vraies" photos en couleurs du "vrai" Mauricio Hora. Si l’histoire qu’on a lue, dessinée, nous a un temps éloignés (en quelques sortes) de notre monde réel par son caractère artistique, ce portfolio final nous ramène les pieds sur Terre, "là-bas", au Morro de la Providencia, assurant la transition entre la BD et la réalité et nous rappelant ces différences d’égalité des chances qui existent entre certaines populations du plus grand village du monde : notre planète commune !

Photo de la favela, c’est deux talents à découvrir : ceux du dessinateur André Diniz et du photographe Mauricio Hora. C’est aussi une bande dessinée pleine d’optimisme et qui, à ce titre, mérite donc toute votre attention !
 
 

Par Sylvestre, le 12 juillet 2012

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