Petites éclipses

Ils sont six copains de toujours. Des trentenaires. Ou plutôt, ils sont cinq, car Jan est une "valeur ajoutée". Avec comme prétexte une éclipse à observer, ils ont dégotté un gîte où passer ensemble quelques jours avant l’instant T et s’y retrouvent. Détente est le maître mot de ces petites vacances, de cette parenthèse. Souvenirs, aussi. Seulement, parfois, à les ressasser, les souvenirs, on fait ressurgir des abcès qui ne demandent qu’à être crevés…
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Petites éclipses

On pourrait reprocher aux auteurs d’avoir choisi comme personnages des acteurs un peu trop spécifiques. En effet, on a : un couple qui a laissé ses enfants aux grands-parents, une fille célibataire mais qui a flirté avec le gars dudit couple, un homosexuel, un homme qui n’a pas prévenu clairement sa femme qu’il partait pour plusieurs jours, et une fille que ce dernier a rencontrée sur le net. Ce qui fait un casting "extraordinaire vivier" à situations théâtrales !

Et puis finalement, on respecte ce choix. D’une part parce qu’en tant que lecteur, quand on choisit une bande dessinée, ce n’est pas pour lire quelque chose de plat ; et d’autre part parce que ces fameuses spécificités auraient pu être toutes autres mais c’est celles-là qui ont été retenues, et point barre. Et vous verrez que c’est tant mieux : les personnages sont très attachants, que ce soit par leur assurance, leurs faiblesses, leur culpabilité, leurs défauts et leurs atouts… Par leurs questions légitimes, aussi, et par cette amitié qui les lie et qu’ils remettent à l’épreuve.

Le lieu dans lequel se passe l’action est très important. Il est inconnu de tous, donc personne n’en tirera un avantage sur les autres. Omniprésent, il est pourtant discret, bien qu’il sache être décliné (campagne inspirant Dom l’artiste, petit village typique dans lequel on descend faire le marché, bord de piscine propice aux conversations de vacances…) Et ces lieux sont le décor d’une fascinante chronique sociale, de cette analyse de personnalités toutes différentes les unes des autres – mais qui pourtant sont toutes unies, ne serait-ce que par le vécu.

Sur les six (trois garçons, trois filles), seuls cinq se connaissent très bien. Seule Jan est nouvelle. Et nous-mêmes, lecteurs, on ne la connaîtra qu’après s’être fait présenter les autres.

Et puis… c’est parti ! On vit en direct ces retrouvailles, cet épisode "confluent" de leurs vies. Et c’est sur un peu moins de 300 généreuses pages qu’on se laisse entraîner dans cette superbe histoire. Superbe parce que forcément pleine de ces petites choses qui font l’importance des instants vécus : vérités mises à plats, trahisons, déceptions, engueulades, réconciliations, etc…

Riche casting, les personnages ont été "coachés" par leurs auteurs par groupes de trois. Jim et Fane se sont partagés le storyboard et le dessin et on fait émerger de leurs héros une véritable réalité. Car Petites Eclipses est vraiment une lecture bio en ce sens qu’elle transpire l’authenticité, le juste regard. Et c’est sur une période très longue qu’a mûri le scénario pour éclore et donner ce fruit à la saveur incomparable.

Avec un dessin usant du noir, du blanc et de la palette des gris, un dessin qui a parfois des airs de croquis mais qui est dans son ensemble un régal pour les yeux ; avec sa narration exceptionnelle empruntant autant aux auteurs qu’à leurs personnages, avec un humour dosé si naturellement (et si bon !), Petites Eclipses est un chef d’œuvre. D’humour, d’amitié, d’amour, de poésie aussi. Ce n’est pas simplement une galerie de portraits ni un huis-clos, mais bien une aventure autant humaine qu’aventure tout court, à l’image de cette séquence de thérapie de groupe mémorable que subiront nos fanfarons sous le regard insondable de la mystérieuse Sylvaine-Alain : Jim et Fane ont réussi à rendre véritablement vivante cette fresque qu’on pouvait redouter trop "prise de tête", trop "Arte", à ne lire que les résumés qui en sont faits ici ou là.

Petites Eclipses est un coup de cœur comme j’aimerais en avoir plus souvent. La collection Ecritures ne faillit pas à sa charte de qualité en ouvrant son catalogue à ces deux auteurs qui sont vraiment complets et excellents dans ce travail qu’ils nous offrent.
 

Par Sylvestre, le 27 mai 2007

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