Intégrale: La ville et l'oubli

Alors qu’il voit ses compagnons du VVV (Vaillants Volontaires de la Victoire) se faire assassiner par les hommes au service des généraux, celui qui ne s’appelle pas encore Perramus, réussit à fuir pour trouver l’oubli dans les bras d’une prostituée. Plus tard, en jetant à la mer les corps de ses anciens compagnons, il rencontre Canelones, qui va désormais l’accompagner jusqu’au bout de ses aventures. Ensemble, ils s’échappent du bateau sur lequel ils aveint été enrôlés de force, et se retrouvent sur l’île d’un certain Mr Whitesnow, dictateur travaillant avec les maréchaux. Ils tentent de lui vendre le corps du principal opposant au régime et finissent par croiser Ezequiel Gorriti dit "l’Ennemi’, un aviateur avec qui ils s’évadent en avion…

Par fredgri, le 6 janvier 2021

Notre avis sur Intégrale: La ville et l’oubli

Pendant longtemps, les quatre albums de Perramus, parus aux éditions Glénat à la fin des années 80, demeuraient introuvables ! Il aura fallu attendre fin novembre dernier, à la suite d’une fructueuse campagne Ulule, pour voir arriver chez Futuropolis cette remarquable intégrale de près de 470 pages, regroupant ainsi l’ensemble des histoires écrites par Juan Sasturain et mises en image par Alberto Breccia !!!

Et l’attente en valait vraiment la peine.
Car si dans le parcours du maître argentin, il y a plusieurs chef d’œuvres, Perramus reste une pièce majeure, témoin d’une époque, d’un engagement ou l’artiste posait un regard sans concession sur son pays, sur la dictature qui a longtemps pesé sur l’Argentine !

Au début des années 80, le pays est sous la coupe de la junte, dirigée alors par le général Galtieri. De nombreux éditeurs ont du mettre la clé sous la porte et Breccia souhaite alors développer un projet à destination du marché européen. Il contacte le journaliste écrivain Juan Sasturain en lui demandant une histoire grand public qui serait divisée en plusieurs chapitres de 8 pages, afin de faciliter la publication dans des revues et ainsi permettre une prépublication avant d’être rassemblé en album ! Le but étant vraisemblablement ensuite d’avoir tout latitude sur le plan graphique !
Le scénariste revient avec un premier chapitre qui pose les bases du personnage et des ambiances. Breccia s’enthousiaste et ajoute des atmosphères grises avec des références aux “Maréchaux” à la tête de mort, ainsi qu’un ton très fortement impressionniste. Tout de suite, le projet Perramus devient le miroir d’un monde qui subit les affres d’un pouvoir despotique et liberticide. On glisse progressivement dans un univers corrompu, qui a perdu ou perverti ses valeurs !
L’ensemble s’articule donc autour de quatre chapitres/Romans graphiques ("Le pilote de l’oubli", "L’âme de la cité", "L’île au guano" et "Dent pour dent") en 8 à 10 parties chacun, plus un prologue et un épilogue.
Nous rencontrons celui qui se fait dorénavant appeler Perramus, fuyant le pouvoir des maréchaux, qui se constitue une bande de camarades avant de rencontrer l’écrivain Jorge Luis Borgès qui va lui confier une première mission: sauver l’âme de la cité en allant retrouver ses 7 piliers symbolisés par 7 personnes !
Ils sont capturés, dans le troisième chapitre, par Mr Whitesnow qu’ils avaient déjà croisé. Ce dernier dirige son île d’une main de fer, dont l’essor économique tourne autour du Guano. Dans l’ombre, néanmoins Canelones et l’ennemi intègrent la résistance, afin d’abattre le pouvoir !
En parallèle, en 1983, la junte est démantelée après la guerre des Malouines et le pays doit se reconstruire. Sasturain et Breccia situent donc le dernier chapitres 2 ans après le précédent, amenant Perramus et ses amis à courir après les dents volées de Carlos Gardel, véritable trésor national !

Bien que se situant bel et bien en Argentine, ces “Maréchaux” symbolisent tous les bourreaux/dictateurs du monde. Et les ambiances sombres et crépusculaires que dégagent ces pages viennent appuyer ce constat sans appel !

Les auteurs, tout en inscrivant leur récit dans les codes du feuilleton d’aventure aux mille et une péripéties, enveloppent néanmoins l’ensemble dans un contexte très politique des plus transparents. Il n’y a aucune ambiguïté derrière ces personnages grotesques, derrière ces pitreries qui dénoncent un pouvoir autoritaire, sans âme !

Perramus reste donc un vrai pavé très impressionnant et extrêmement riche, qui ne se lit pas d’une traite, mais qui se savoure tranquillement. Ça n’est pas une lecture difficile en soi, mais elle demande de l’attention pour bien appréhender les divers niveaux narratif, les allusions, les références ou simplement reconnaître les personnages que les protagonistes croisent deçi delà !

En refermant la dernière page on est impressionné, d’une part par la profondeur du récit, mais surtout par la prestation d’Alberto Breccia qui nous offre une sorte de jubilé graphique. L’artiste mélange les techniques, joue avec ses outils, ses divers styles… C’est tout simplement sublime d’un bout à l’autre ! Une démonstration qui force l’admiration, au delà des mots !

Un album indispensable que je ne saurais assez vous conseiller ! Une référence !

Par FredGri, le 6 janvier 2021

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