PEER GYNT
Acte 1

Peer Gynt se souvient des années ou il était encore jeune, racontant à sa mère ses mille et un exploits imaginaires, quand bien même, elle ne le croit plus vraiment, fatiguée par ce fils fantasque et irresponsable qui n’hésite pas à enlever une jeune fille qu’il a jadis courtisée, et qui va se marier, pour l’abandonner aussi vite, une fois obtenu ce qu’il était venu chercher ! Ou est finalement la vérité dans tout ce qu’il raconte lorsqu’il décrit sa rencontre avec la magnifique fille du roi des trolls ? Dans cette longue fuite en avant, nous découvrons un étrange anti-héros qui a bien du mal à distinguer le monde imaginaire de la réalité !

Par fredgri, le 24 février 2021

Notre avis sur PEER GYNT #1 – Acte 1

Bien avant de réellement prendre conscience qu’il s’agit d’une adaptation, bien avant de simplement se laisser charmer par cet étrange nom aux sonorités lointaines, qui sent bon le Nord, nous tombons sous le charme des peintures numériques d’Antoine Carrion, ces ambiances, ce sublime noir et blanc aux multiples nuances de gris qui nous emporte dans des contrées fantasmées, magnifiques paysages sublimés par des cadrages très inspirés, des jeux de lumière très adroits !
Puis, nous nous penchons vraiment sur l’album, sur l’histoire, sur Peer Gynt !

Dans la première version de l’album, Antoine Carrion introduisait le héros dans sa version âgée, qui revenait au pays, après bien des aventures, complètement usé et démuni ! Le vieillard se souvenait alors de sa jeunesse ! Désormais, il nous apparait tout de suite en jeune homme, s’amusant à tromper sa mère, lui racontant sa rencontre avec un bouquetin géant ! Tous deux repensent aux richesses passées de leur famille, sur ces terres qu’ils possédaient et dont il ne leur reste rien d’autre qu’un vague parfum aigre et amer.
On se rend très vite compte que Peer ne s’intéresse pas aux contingences de cette vie monotone et désillusionnée, qu’il lui préfère une vision fantasmée et lyrique ou il est possible de croiser des créatures mythologiques, de charmer de belles princesses, de jouer de drôles de tours à quelques rois souterrains… De devenir le héros de sa propre aventure, sans compromis, sans règle, le rêve d’une vie glorieuse qui s’anime au gré de ses errances. La limite entre le réel et l’irréel n’existe plus…

A partir de 1862, Henrik Ibsen voyage dans le Gudbrandsdal et dans l’ouest de la Norvège afin de collecter tout ce qu’il peut sur les légendes populaires nordiques. Il s’inspire de ce matériau pour imaginer cet antihéros qui ne respecte aucune convention, il s’amuse ainsi, en substance, des codes du conte traditionnel qui se transmet oralement, au gré des humeurs des narrateurs, de leur emphase. L’auteur détourne ces valeurs nationalistes qui pourraient façonner un héros, mais qui, avec Peer Gynt, ne servent qu’à marquer son inadaptabilité, son sens de la transgression. Définitivement en marge de courant, le jeune homme décide de n’écouter que ses pulsions et ses envies.
Il parcourt le pays et se met régulièrement à dos ceux qu’il croise et qui se moque de lui ou tombent dans ses pièges, ses mensonges.

Avec cet album, Antoine Carrion nous présente le monde tel que Peer Gynt le perçoit, aveuglé parfois par l’ampleur de son "délire". Nous plongeons ainsi dans des planches absolument sublimes qui magnifient merveilleusement les décors, les détails. L’artiste aère l’écriture, soigne ses cadrages, joue très habilement avec de somptueux noir et blanc tout en finesse et en émotion. On entendrait presque se murmurer les envolées mélodiques de Grieg. Nous retrouvons ainsi tout ce qui nous avait interpelé dans ses précédents albums, Nils ou Temudjin. Une sensibilité exacerbée, pure et fascinante !

Ce premier volume (sur deux) vibre de l’émotion de l’artiste et nous entraîne dans les traces d’un héros atypique qu’il nous tarde de retrouver !

Vivement recommandé, bien sur !

Par FredGri, le 24 février 2021

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