PAROLES DE POILUS
Lettres et carnets du front 1914-1918

Paroles de Poilus, ce sont vingt lettres de soldats adaptées par les plus grands dessinateurs de la Bande Dessinée.

Par aub, le 1 janvier 2001

2 avis sur PAROLES DE POILUS #1 – Lettres et carnets du front 1914-1918

Voilà un album qui ne laisse pas indifférent tout au long de la lecture, mais surtout lorsque l’on en tourne la dernière page et qu’on le repose. J’ai été captivé, pris, émerveillé, mais j’ai été aussi ému, tremblant et j’ai eu le coeur noué, en lisant cet ouvrage absolument superbe.

L’idée est simple et quelque peu déjà faite pour divers thèmes, mais une fois de plus un album de ce type a vraiment le mérite de voir le jour, car à mon avis il fait un peu partie de ce qui nous permettra de ne jamais, jamais oublier les horreurs de la première guerre mondiale.
Au moment où j’écris ces quelques lignes, il ne reste en France que 4 "poilus". Se sont les 4 dernières personnes qui ont vécu cette vie dans les tranchées. Pour moi, cet ouvrage est un hommage supplémentaire à ces hommes qui ont vécu ces moments peu glorieux de notre histoire.
Les 27 auteurs qui ont été choisis pour travailler sur les 20 textes sélectionnés ont réalisé chacun dans leur style un travail absolument grandiose et magnifique. Chacun a travaillé au plus près des textes sans les déformer, sans les trahir, et rien que pour ça, merci et bravo.

L’aventure de cet ouvrage a en fait commencé de l’envie de fêter le 80° anniversaire de l’Armistice de 1918. Radio France, en la personne de Jean-Pierre Guéno, a lancé à ses auditeurs un appel afin qu’ils envoient des lettres de combattants de la première guerre mondiale. Véritable trésor de témoignages d’une page sombre de notre histoire, ces lettres ont été réunies et publiées dans un livre déjà vendu à plus d’1,5 millions d’exemplaires.
Soleil et France Inter se sont associés pour mettre cet ouvrage en images. Une vraiment très belle initiative qui mérite que l’on s’y arrête tous.

Par AUB, le 19 novembre 2006

La grande guerre, la « der des ders » comme on aimait bien la nommer, inspire de nombreuses personnalités artistiques. Aujourd’hui encore, vient s’ajouter un nouveau Paroles de poilus au flot éditorial. Cette fois, il s’agit d’un collectif de courts récits en bandes dessinées adaptées des lettres écrites par les poilus durant la guerre de 14/18, celles-là même qui furent mises en avant par Jean-Pierre Guéno (directeur des éditions Radio France), avec Yves Laplume en 1998, dans un volume de la collection Librio (1) un ouvrage qui fit date, à la fois référence et outil pédagogique.

2006 réunit les volontés de Soleil et de France Inter

Les deux éditeurs s’associent pour publier un ouvrage superbe, tant dans sa mise en page et sa fabrication que dans son contenu et la mise en valeur des lettres exploitées par les dessinateurs. Ils sont 20, choisis pour illustrer 20 lettres auxquelles s‘ajoutent 7 illustrations de Lidwine, et une illustration de couverture signée par Lauffray.

Selon les sensibilités de chacun le ton sera plus ou moins lourd. Ainsi l’illustration de Juanjo Guarnido est un vrai choc visuel. Pas d’échappatoire possible, l’image est terrible, le poids des mots est immédiatement visible avec la représentation de cet amas de corps d’hommes à qui on a enlevé la vie et parfois l’habit, ainsi ce cadavre, dessiné au dessus des autres, le corps flasque, sans force, sans muscle, le sexe nu devenu inutile. Le dessin montre à quel point la vie n’a plus de sens jusque dans ses derniers symboles. Parmi les auteurs les plus incisifs dans leur interprétation, la bande de Gimenez est terrible également, ainsi que celle de Biancarelli dont je n’apprécie habituellement pas le réalisme trop proche d’un travail photographique.

Et puis, car il faut toujours un peu de dérision, la bande de Farid Boudjellal nous rappelle combien le monde ne change pas, ni dans ses inepties, ni dans ses lourdeurs administratives. Le compteur à gaz sera donc la tranche d’humour noir de ce recueil qui se veut fidèle à la réalité.
L’humour le plus pur y est également présent et même si le dessin au trait des frères Jouvray est mis en couleurs très sombres par Anne-Claire, le ton est réellement drôle et on s’imagine tout autant que l’auteur de la lettre une jolie vache déguisée en fleur, euh… non, en cheval pour une nuit !

Les différents styles se marient parfaitement, les peintures directes côtoient de près les bichromies, les noirs et blancs se mélangent aux aquarelles, toutes les libertés sont permises sauf celle de changer les textes. Chacun des auteurs a scrupuleusement restitué les lettres ou sont restés muets comme la bande dessinée d’Emmanuel Lepage.
Après cet ouvrage conçu pour le mérite, on ne pourra certainement plus mettre à mal les travaux dits de commande qui prouvent ici que la part de créativité reste entière pourvu qu’on lui en laisse le temps et les moyens. Les auteurs ont réalisé un très beau livre et c’est avec admiration que je replonge dans leurs pages.

Bravo à tous avec une émotion de plaisir non dissimulé pour le travail de De Metter, Kristiansen ou encore N’guessan et Bajram. La larme a coulé sur le dessin de Parnotte , Mallié et Bourgier. La révolte, la colère et l’horreur s’unissent de concert aux dessins de Guarnido et Giménez. Le sourire s’affiche grâce à Farid Boudjellal, la famille Jouvray, Hérenguel. Un profond ressentiment en regard des planches de Biancarelli et de Bramanti. L’imagination de Cromwell, de Alary, et de Severin font figures de proue. Et à la poupe, le dessin sobre et parlant de Penet et le temps d’une trêve, quand le temps se suspend, l’espoir est figé par Adrien Floch ou encore par Emmanuel Lepage avec ses couleurs ensoleillées… celles de la prochaine armistice ?

L’hommage artistique

Bien entendu, la bande dessinée n’a pas attendu cet ouvrage pour rendre hommage aux poilus aussi il convient de rappeler quelques titres pouvant attirer l’attention d’un lecteur désireux d’aller plus loin (liste non exhaustive) : Ex Voto de Rabaté (Vents d’Ouest),C’était la guerre des tranchées, ou encore Soldat Varlot, Le trou d’Obus et La véritable histoire du soldat inconnu de Jacques Tardi chez différents éditeurs, Le front de Nicolas Juncker (Milan), La tranchée de Christophe Marchetti et Virginie Cady (Vents d’Ouest), La ligne de front – tome 1 d’Une aventure rocambolesque de Vincent Van Gogh de Larcenet (Dargaud), Le sang des Valentines de Christian De Metter et Catel (Casterman), La lecture des Runes de David B (Dupuis), Dix de der, L’ombre du corbeau de Didier Comès (Le Lombard), La Vigie de Chauzy (Casterman) ou encore Le roi cassé de Dumontheuil chez Casterman. Rayon littérature et cinéma, on se tourne bien évidemment vers les dernières nouveautés qui sont Joyeux noël et Un long dimanche de fiançailles pour les plus connues.

Pour conclure, en écho pour ainsi dire, une toute récente lettre écrite par François Hadji-Lazaro, musicien, seul mode d’expression manquant à l’appel et qui chante dans son dernier album (2) :
« En cet hiver de 1915 , il m’avait dit qu’il vous aimait très fort, c’est arrivé au milieu des plaines, ils ont tiré sans discontinuer. Lui, il a pris un éclat dès les premières salves. Il est retombé dans la tranchée. »

La boucle est bouclée, tous les arts peuvent se rencontrer ou presque grâce à ce magnifique livre donnant envie d’aller encore un peu plus loin.

(1) Paroles de Poilus : Lettres et carnets du front, 1914-1918 (Poche) Documents – numéro 245 – Isbn 2290335347 – J’ai lu – Décembre 2003.
(2) « Aigre Doux » Cd audio sorti en septembre 2006.

Par MARIE, le 22 décembre 2006

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