PAROLE DU MUET (LA)
Le géant et l’effeuilleuse

En 1927, en province, Célestin Noirt œuvre sans grande envie dans l’étude notariale de son père. Passionné de cinéma, le massif personnage décide de se prendre en main et part pour Paris. Il y retrouve son ami Anatole Fortevoix, bonimenteur au cinéma l’Alcatraz qui lui ouvre son univers un tantinet mal en point. En effet, la projection de films récents étant trop onéreuse, il se rabat sur la diffusion d’anciens chefs-d’œuvre muets comme le voleur de Bagdad sorti 3 ans plus tôt, accompagné par les envolées mélodiques du pianiste Jacques Mollard. Malheureusement, la salle peine à se remplir et pour maintenir à flot son activité, Anatole organise des projections clandestines érotiques. Subjugué par le charisme de la jeune femme qui se produit, Célestin commence à rêver et se lance dans la recherche d’un emploi. Faisant le tour des studios cinématographiques sans grand succès, il finit par être embauché comme assistant décorateur. En dépit de son poste, Célestin arrivera-t-il à assouvir sa passion ?

Par phibes, le 8 avril 2016

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Notre avis sur PAROLE DU MUET (LA) #1/2 – Le géant et l’effeuilleuse

La collection Grand Angle de chez Bamboo rajoute une nouvelle pépite à son généreux catalogue. Portée par un Laurent Galandon particulièrement inspirée, cette dernière donne l’occasion de plonger d’une façon générale dans l’univers du 7ème art des années 20 au moment où celui-ci commence réellement à devenir une industrie à part entière et où les techniques évoluent considérablement (on s’apprête à passer du cinéma muet au cinéma parlant).

Fort de ce contexte post les frères Lumières historiquement captivant et sous le couvert d’un titre antonymique évocateur, l’on suit la destinée d’un personnage physiquement impressionnant, Célestin. Peu charismatique (du moins au départ), ce dernier œuvre sans réelle appétence dans une officine familiale et entretient une passion dévorante pour le cinéma. C’est cette dernière qui va le pousser à quitter la province pour la capitale. De fait, à l’image d’un « schpountz », on le suit dans son cheminement enflammé qui va être l’occasion de retrouver des pairs et de nouvelles complicités et qui vont l’inciter indirectement à faire le grand pas.

Il ne fait aucun doute que cette histoire qui se décline en deux volumes commence sous de bons auspices par le fait que, sous des accents pleins d’humanité et de délicatesse, Laurent Galandon emploie le ton qui va bien pour attendrir le lecteur. Entre le choix assurément judicieux des personnages principaux et leurs particularités physiques, leur relationnel souvent plein de prévenance, la ferveur ambiante et la petite intrigue qui s’installe dans le parcours de Célestin, le récit se démoule simplement et sympathiquement comme un rêve qui semble devenir réalité.

La part graphique restituée par Frédéric Blier conforte ce sentiment de douceur ambiante. Le trait de ce dernier, rehaussé par une colorisation remarquable, donne vie à des personnages dont la physionomie a été assurément bien peaufinée. On en veut pour preuve le charitable Célestin, dont le côté massif aurait pu le transformer en monstre de foire et qui se révèle un montre de générosité et d’ambition. La belle Constance a également sa place, dans cette féminité à la fois mystérieuse et malicieuse. Par ailleurs, on pourra souligner la qualité du travail exécuté pour camper avec un certain réalisme l’époque et l’univers du cinéma, traduisant une recherche indéniable.

Une projection qui tient toutes ses promesses et qui mérite qu’on s’y attarde. Vivement la seconde partie !

Par Phibes, le 8 avril 2016

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