Ouya Pavlé, les années Yougo

 
On ne sait plus trop quel âge il a, cet Ouya Pavlé, étant donné que les histoires qu’il raconte remontent parfois à un passé très, très, très lointain, mais ce dont on est sûr, c’est qu’il arrive généralement chaque année avec le froid et les loups, s’invitant chez qui veut bien l’accueillir avec un café pour écouter ses récits racontant son pays : la Serbie.
 

Par sylvestre, le 1 janvier 2001

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Notre avis sur Ouya Pavlé, les années Yougo

 
Ouya Pavlé (littéralement Oncle Paul) est un personnage mythique inventé par l’auteur, un personnage qui à lui seul personnifierait la mémoire d’un peuple et d’un pays que les media ont tendance, de nos jours, à diaboliser pour cause de récentes orientations politiques et idéologiques contestables alors qu’ils ont oublié qu’il a été le théâtre, des centaines d’années durant, de blessures difficiles à refermer.

Ainsi, Ouya Pavlé revient sur les innombrables invasions et périodes d’occupation ottomanes, sur les meurtrissures laissées par la première guerre mondiale, sur les années Tito ou plus récemment sur la mise au ban des Occidentaux suite aux conflits des années 90, sur l’inter-communautarité, la pauvreté, l’isolation, la mort…

Ouya raconte tout cela comme un conteur le ferait, se basant sur des légendes ou sur des faits mais aussi sur des témoignages ; sans partir dans des précisions stratégico-politiques incompréhensibles, mais en mettant en scène des personnages représentatifs de la situation quand il veut insister sur le fait que les petites gens se sont trouvées au beau milieu des événements ravageurs qui ont, depuis la nuit des temps, secoué ce pays qu’on montre pourtant de nos jours du doigt comme s’il avait toujours été le grand méchant loup…

Marcel Couchaux avait envie de nous parler en bandes dessinées de cette Serbie, cette ex-Yougoslavie qu’il a visitée et qui l’a touché. Il réussit avec Ouya Pavlé, les années Yougo à nous parler autrement de cette région par son histoire mise à la portée du lecteur ignare en une liste de dramatiques soubresauts historiques portée par une narration humoristique qui crée un équilibre alors apaisant : Ouya et ses interlocuteurs parlent "très moderne" et très drôle. Ouf ! Ces (parfois gros) mots et ces expressions peu académiques bienvenus viennent alléger le tout en s’intercalant régulièrement au fil des pages. Tout comme le dessin, classique, bon, en bichromie, s’adapte et sait traduire avec humour même les choses les plus graves.

Nos a priori aidant, on serait presque mal à l’aise, parfois, de se voir présenter ainsi la Serbie comme un pays victime ou comme un pays qui a envie de se reconstruire et de réapprendre à rigoler sans avoir honte. Jamais il n’est directement question dans Ouya Pavlé, les années Yougo d’exactions serbes ayant récemment terni l’aura de cette partie des Balkans, par exemple. Mais c’est le parti-pris de cette BD. Les Serbes, c’est avant tout des gens qui n’ont pas choisi ni demandé à y naître ou à y vivre. Le mot de la fin, triste, pessimiste, est peut-être une manière de dire que le passé est le passé et qu’une fois encore, un peuple, quelque part, doit se relever et ne pas être laissé à l’écart.
 
Marcel Couchaux en parle. Il œuvre donc en ce sens.
 

Par Sylvestre, le 11 avril 2008

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