ORDURES
Le canal jusqu'à Barbes

Parce qu’ils mettent les mains jusqu’aux coudes dans les poubelles de la vie, pour les autres Moudy, Alex et Samir sont des voyous, des vauriens, des racailles. Des « ordures ». Les deux premiers travaillent dans un centre de tri des ordures ménagères, justement, dans une riante banlieue. Le troisième survit en vendant des cigarettes de contrebande, sous le métro aérien, à Paris. Moudy aime les garçons. Le regard désapprobateur de ses « frères » lui fera quitter le foyer africain où il vivait. Il en éprouvera une rage qui ne le quittera plus. Alex aime une danseuse, aperçue derrière la vitre d’une école de danse. Quand il osera l’aborder, elle le jettera comme un malpropre. Il en gardera à jamais dans les yeux les stigmates du désespoir. Samir aime Cheyenne, une jeune et jolie Gitane délurée, mais ce sera la suite de l’histoire. En attendant, Samir rêve de papiers qui lui permettent de quitter la clandestinité. Mais à la « préfecture de Barbès », une filière de vrais faux-papiers, on ne fait pas crédit. Il lui faut du fric, et la vente des cigarettes ne suffit pas. C’est comme ça qu’il fait la connaissance de Moudy et d’Alex : en voulant leur piquer leur pognon. Moudy, Alex, Samir, Cheyenne : voyez ces « ordures », voyez comme ils vivent, voyez comme ils aiment, voyez comme ils rient, voyez comme ils pleurent.

Par melville, le 17 janvier 2014

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2 avis sur ORDURES #1 – Le canal jusqu’à Barbes

Le crédo de Stéphane Piatzszek c’est le polar, un genre qu’il aime et qu’il investit pour raconter ses propres histoires. Le récit de genre offre le confort d’une structure codifiée qui plait aux lecteurs et rassure les éditeurs, mais il est passionnant de voir comment albums après albums l’auteur tout en se lovant au cœur du genre en décale légèrement les conventions pour raconter une histoire à lui. L’autre grande force de Piatzszek est « le choix » des dessinateurs avec qui il travaille, et ceci est particulièrement vrai pour ce nouveau diptyque Ordures.

Choix étonnant de l’éditeur que de scindé en deux volets cette histoire donnant après lecture de ce premier tome le sentiment de n’avoir qu’une moitié de récit. Difficile donc de juger la qualité de celle-ci, mais une chose est certaine Stéphane Piatzszek a du talent pour construire des personnages attachants et denses. En ce sens il est proche de ce que peut faire Luc Brunschwig.
Polar social, cru et s’annonçant comme une parabole, le noir et blanc était de mise. Mais le dessin d’Olivier Cinna (avec qui Piatzszek a déjà collaboré pour La fête des morts, Futuropolis, 2011) dépasse de loin le simple code formel. Avec ses « tâches » de noir qui en quelques coups de pinceau dessine un personnage et en saisisse l’âme, le trait de Cinna fait écho à celui d’Hugo Pratt sur les Corto Maltese entre Tango et La Ballade de la mer salée. Le dessinateur se démarque par la précision de ses cadrages aux accents de cinéma qui boostent le récit et lui donne un vrai punch.

Un premier tome « d’introduction » qui donne follement envie de découvrir la suite !

Par melville, le 17 janvier 2014

Après avoir réalisé en commun Mr Deeds (en 2005) et Fête des morts (en 2011), Stéphane Piatzszeck et Olivier Cinna se retrouvent à nouveau sous le couvert de la maison Futuropolis. Cette fois-ci, après une incartade policière sur le continent africain, les deux auteurs nous offrent une autre vision sociétale beaucoup plus proche, celle concernant la banlieue de la capitale française.

Ce premier opus donne l’occasion au scénariste de montrer du doigt le malaise qui grève ces quartiers multiethniques, laissés un tant soit peu à l’abandon, et dont la population, non chanceuse, parasitée par des malversations souterraines en tout genre, se débrouille comme elle peut. Pour cela, l’on fait la connaissance des trois protagonistes récurrents, bien caractérisés, (in)dignes représentants de cette société laissée pour compte, et à travers eux, l’on découvre le décor déliquescent, chargé de détritus et d’immeubles en ruines, qui les entoure. A cet égard, Stéphane Piatzszeck trouve les justes situations pour camper l’atmosphère de ces quartiers et grâce à une succession d’évocations succinctes et sans appel habilement étalées tout au long de l’album, il décrit la dure réalité quotidienne. Trafics en tout genre (cigarettes, drogue, papiers…), guerre entre les gangs, contrebande, flics pourris, vols… tout y passe pour dresser un tableau pour le moins affligeant.

En termes d’intrigue, ce premier volet vaut principalement par la mise en avant de l’association des trois personnages. Dans une simplicité narrative et au gré d’un choix judicieux de tranches de vie qui permettent de découvrir, pour chacun, la personnalité propres et par là-même, leurs troubles, leurs attentes, leurs travers, l’on assiste bientôt à leur rencontre. L’intrigue ne se déclarera effectivement que dans les dernières pages de l’album grâce à un rebondissement qui aura pour conséquence de verser dans le drame et d’oblitérer, semble-t-il, toute rédemption.

Olivier Cinna réalise ici une mise en images en noir et blanc d’une grande puissance. D’un trait pour le moins éprouvé et libéré, ce dessinateur parvient à créer les ambiances les plus glauques qui siéent à l’histoire des trois "ordures" et ce grâce à l’usage de larges aplats de noir. De plus, il démontre tout son talent en portant, à lui tout seul, l’équipée, alignant des planches entières sans dialogue et pleine d’évocation.

Une première partie d’un récit sombre et sans appel, qui repose douloureusement sur une vision sociétale peu reluisante et malheureusement proche de la réalité.

Par Phibes, le 11 avril 2014

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