ODYSSÉE D'HAKIM (L')
De la Syrie à la Turquie

C’est en regardant le journal télévisé que tout commence pour Fabien Toulmé.

Le 24 mars 2015, la quasi totalité des émissions est consacrée au crash de l’avion de la Germanwings, précipité par son pilote dépressif contre une montagne, faisant 150 morts. Comme tout un chacun, Fabien Toulmé ressent une compassion immense pour les victimes et leurs proches.

En fin de journal, il est néanmoins frappé par un autre fait. Le présentateur annonce, de façon lapidaire, qu’un nouveau drame de l’immigration s’est produit en Méditerranée. 400 migrants sont morts noyés. Pas de reportage, pas d’autre information.

Deux choses interpellent l’auteur. D’abord, la froideur des chiffres. Ensuite, à sa grande honte, il voit bien qu’il n’éprouve pas la même compassion pour ces 400 victimes.
Fabien Toulmé s’interroge et pense que cela est dû au fait qu’il peut facilement s’identifier aux victimes du crash, car lui aussi aurait pu embarquer dans cet avion. Mais la probabilité de devoir embarquer sur le bateau de migrants est, elle, presque nulle. Et ces personnes nous sont étrangères ; difficile d’imaginer leur vie, leur parcours…

Fabien, dès lors, a envie de rencontrer des migrants. Pour mieux comprendre, pour raconter leur périple. C’est ainsi qu’il va faire la connaissance d’Hakim, un Syrien de 30 ans, qui a trouvé refuge en France et qui vit à Aix-en-Provence depuis 2015. Il nous raconte pourquoi il a dû quitter son pays et le long périple qu’il a enduré.

Par legoffe, le 21 octobre 2018

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Notre avis sur ODYSSÉE D’HAKIM (L’) #1 – De la Syrie à la Turquie

Ayant adoré ces deux premiers livres (« Ce n’est pas toi que j’attendais » et « Les deux vies de Baudouin »), j’étais très impatient de lire la nouvelle bande dessinée de Fabien Toulmé. Cet auteur a, en effet, un incroyable talent pour communiquer les émotions, les pensées ou l’humanité de ses personnages.

Savoir qu’il allait raconter le destin d’un migrant syrien s’annonçait donc comme un précieux témoignage, d’autant qu’il se place dans une actualité brûlante. Une actualité qui contribue actuellement à bouleverser le paysage politique européen, créant l’inquiétude de certains concitoyens, jusqu’à en pousser certains dans les bras des partis extrémistes.

Il faut justement, prendre déjà le temps, ici, de saluer la démarche de l’auteur. Sa sensibilité et sa curiosité l’ont poussé à voir au delà du peu (ou du trop) fourni par les médias, en particulier par la télévision. Il a dépassé l’émotion basique de tout un chacun pour aller vers la compréhension.
Il voulait comprendre, en effet, ce que veut dire le mot « migrant », quels visages et quels destins se cachent derrière ce qui n’est souvent perçu par le public que comme un phénomène global et non comme une multitude de destins.

Toulmé, pour autant, n’a pas la prétention de livrer ici un ouvrage complet sur l’immigration. Il ne s’intéresse qu’à un homme, celui qu’il a pu rencontrer, et qui lui a raconté sa vie d’avant, puis les raisons qui l’ont poussé à quitter son pays, pour un long périple jusqu’en Europe.

Il s’agit donc du destin d’un seul homme, Hakim. Mais il va nous permettre de nous faire, déjà, une idée de ce qui pousse des personnes à tout abandonner pour partir vers l’inconnu.

Le récit d’Hakim est d’autant plus intéressant qu’il est une personne sans problèmes particuliers dans la société syrienne. S’il raconte, dès le départ, les affres de son pays, notamment la dictature politique et la corruption, il précise aussi combien il aime la Syrie, qu’il n’a jamais imaginé quitter un jour. Hakim vit bien, il aime sa famille et il est parvenu à monter et développer son entreprise d’horticulture.

Mais son existence va basculer lorsque débute la guerre civile. Nous découvrons alors la montée progressive du conflit, la répression sanglante menée par le gouvernement, la torture, les arrestations arbitraires… Nous comprenons pourquoi Hakim va, soudain, devoir quitter ce pays. Et ce n’est pas uniquement parce qu’il s’effondre littéralement, mais aussi parce qu’il devient lui aussi une cible, malgré lui. La folie et la bêtise humaine emportent avec eux des vies qui, souvent, n’avaient rien demandé, rien déclenché, peut-on constater ici.

Toulmé raconte l’histoire d’Hakim de manière détaillée. Nous rentrons dans la famille et le cercle des amis de ce Syrien, nous partageons leurs joies et leurs peines, et surtout – rapidement – leurs peurs.

Le livre a beau faire plus de 250 pages, on le dévore de bout en bout. Une fois encore, Fabien Toulmé démontre son immense talent de narrateur, tout comme sa capacité à capter et à retranscrire les émotions, tant dans les textes que dans les dessins.

La vie d’Hakim, c’est une histoire de drames, mais aussi d’amour, d’amitié, de solidarité. Le pire de l’Humanité côtoie le plus beau. C’est un témoignage poignant et passionnant, et l’une des plus belles bandes dessinées que j’ai pu lire cette année. J’avais dit la même chose de son précédent album. Décidément, quel incroyable auteur que Fabien Toulmé ! Il nous tarde de découvrir la suite de cette série prévue en trois volumes !

Par Legoffe, le 21 octobre 2018

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