L'obsolescence programmée de nos sentiments

Agée de soixante-deux ans, Méditerranée, fromagère, vient de perdre sa mère. Maintenant, c’est elle la doyenne de la famille et cette promotion, elle se doit de l’assumer. S’identifiant aujourd’hui à la sorcière de Blanche-Neige qui lui faisait peur quand elle était jeune, elle ne peut s’empêcher de broyer du noir. De son côté, Ulysse, proche de la soixantaine, a été dégraissé de son poste de déménageur. Que faire maintenant ? Veuf, un fils, Julien, médecin sans descendance, une fille décédée jeune, il n’a pas beaucoup de perspective. Les sorties avec les anciens collègues, les virées au stade, les courses chez Auchan, les visites charnelles avenue Voltaire, rien ne semble le soulager de son spleen. Aussi, pense-t-il à déménager pour se fabriquer d’autres souvenirs. Jusqu’au jour où Méditerranée et Ulysse se rencontrent dans la salle d’attente du cabinet de Julien. Le contact s’établit sympathiquement débouchant sur une invitation au magasin de la sexagénaire. L’ancien déménageur y répond favorablement. Serait-ce les prémices d’une belle idylle ?

Par phibes, le 15 juin 2018

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Notre avis sur L’obsolescence programmée de nos sentiments

Fort d’une bibliographie imposante et d’un éventail extralarge de thèmes abordés, Zidrou continue à nous charmer en nous présentant ici un récit à dimension humaine, empli d’émotions, de vérités et agrémenté d’un soupçon de surprises. Pour ce faire, il nous intéresse au sort de deux séniors, une femme et un homme, dont la rencontre fortuite, à la suite d’un lot de vicissitudes séparées, va faire éclore un bonheur partagé.

Scindée en deux temps (avant et après la rencontre) et structurée en sept chapitres, cette belle histoire prend tout de même un départ plutôt triste. En effet, pour donner de la profondeur à Méditerranée et Ulysse, le scénariste n’hésite pas à partir dans des propos qui mêlent mort et licenciement. De fait, jusqu’à pratiquement la moitié de l’album, il plante un décor assez mélancolique qui inévitablement suscite de nombreuses émotions et qui a tendance à plomber le récit.

Heureusement, la seconde partie de cette équipée sentimentale qui débute avec la réunion des deux personnages, permet de donner un nouveau rebond, un souffle, beaucoup plus réjouissant et prometteur. On sera très agréablement surpris par le relationnel qui s’installe entre ces derniers et qui permet de dévoiler un peu plus leur personnalité. La tournure devient chaleureuse grâce à la complicité qui s’installe entre les deux êtres. Les dialogues deviennent savoureux et de par leur côté nature, pleins de sympathie, respirent un bonheur naissant avec un grand B qui fait chaud au cœur. Grâce à cette légèreté, à cette complémentarité qui nous est offerte, on accepte bien volontiers la dernière surprise du chef délivrée dans les dernières pages.

Eu égard à la sensibilité du sujet, l’on concèdera que le travail graphique d’Aimée de Jongh est en réelle adéquation avec le thème. D’un trait doucereux qui prouve une bien belle maîtrise du crayon, l’artiste joue à fond la carte de la sensibilité. On restera subjugué par l’expressivité de ses personnages qui dégagent une sympathie confondante. On dénotera également un très beau travail sur les décors mis en relief par une colorisation des plus réussies réalisée à six mains.

Un one-shot réellement attachant, empli d’humanité et de bons sentiments. Ah, quand le bonheur vous tient !

Par Phibes, le 15 juin 2018

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