Noir

Recueil de trois nouvelles, Bonne année 2016 et Bonne année 2047 qui se passent dans une banlieue devenue un véritable ghetto fortifié. Et un troisième récit, Ballade Irlandaise, variation rock autour de Roméo et Juliette de Shakespeare tout aussi engagé que les deux précédents.

Par melville, le 27 juillet 2010

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Notre avis sur Noir

Hervé Baru est un auteur qui s’insurge contre ce que l’on pourrait appeler la « bêtise ordinaire » dont le moteur n’est autre que la peur conduit par l’ignorance. Cette folie qui pousse les hommes à ne plus avoir honte d’opprimer leurs semblables, de doucement glisser dans le sillon confortable de la non remise en question délibérément tracé par des hommes avides d’une soif de pouvoir qui les gangrène. Baru est un auteur qui nous rappelle que l’humilité et la vigilance, et même l’insurrection quand cela est nécessaire sont des valeurs indispensables qu’il ne faut jamais perdre. Que ce soit dit, c’est l’exigence face au pouvoir qui nous gouverne qui nous sauvera du pire à venir !

Bonne année 2016 et Bonne année 2047, deux nouvelles qui ont pour décor une banlieue entourée de murs, de miradors et de snipers, une banlieue qui n’ayant pu être nettoyée au carcheur est finalement devenue une zone où l’on parque les rebus de la société. Une banlieue dans laquelle les gens ou tout du moins ceux qui ont voté pour les allumés de l’ultra-sécurité car ils avaient peur que les jeunes – et qui plus est étrangers – des banlieues sortent de leurs ghettos pour venir les voler, les violenter et leur faire subir des sévices connus de eux seuls, ont décidé d’en enfermer d’autres… Deux nouvelles qui se déroule le temps d’une nuit de Saint Sylvestre, alors ouais, bonne année…
Le propos de ces deux nouvelles est donc d’aller voir ce qu’il se passe entre les murs, et c’est là que tout le génie de Baru s’exprime. Après avoir planté un décor socialement – et de fait politiquement – (mais c’est vraiment le social qui est la première motivation) engagé, Baru nous montre l’ampleur de la supercherie en s’attelant à nous faire voir le vrai visage de ces jeunes si redoutés. Ce qui préoccupe la jeunesse terrible de ces banlieues c’est la pénurie de capotes. Autrement dit, si plus de capote, risque d’attraper le SIDA, donc ceinture. Une force de sécurité militarisée pour faire face à des ados qui veulent tout simplement faire l’amour : admirez la force de cette métaphore qui au final n’est peut-être pas si métaphorique que cela…

La troisième et dernière nouvelle, Ballade Irlandaise, porte sur l’absurdité du conflit entre les irlandais catholiques et les irlandais protestants. Le Rock et l’Amour comme réconciliation, on aime y croire.

Avec Noir Baru nous offre trois récits à l’engagement fort et indéniable mais aussi trois histoires avec de « vrais » personnages. Et c’est en cela je pense que réside tout son talent, il réussit à quelque part transcender son engagement pour aller au-delàs et écrire de la bande dessinée. Pour un bédéphile c’est un réel plaisir de savourer le parfait accord entre son dessin au trait nerveux et incisif et la dynamique de son récit.

Engagé mais pas « militant » ni moraliste, lire Noir c’est partager le temps d’une lecture (ou plus) la vision d’un auteur, d’un homme qui tire la sonnette d’alarme. Lire Noir c’est prendre conscience, apprendre à connaître pour ne plus avoir peur. Lire Noir c’est tenter de construire un futur moins sombre…

Par melville, le 27 juillet 2010

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