Les Noceurs

Gert organise une petite sauterie chez lui. Bières, vins et vodka glacée sont au programme pour accueillir d’anciens amis, des connaissances du lycée. Une soirée où on se raconte de vieilles histoires, des anecdotes, où on se force à demander ce que fait l’autre dans la vie, où on tue le temps en fumant des clopes sous la hotte de la cuisine. Tout le monde est présent sauf Robbie, celui que tout le monde attend de pied ferme, celui dont tout le monde parle, celui qui semble désiré par tous. Mais il ne viendra pas.
Chez sa pote coiffeuse, Noumi se fait toute pimpante avec une nouvelle coupe de cheveux. Récemment largué par son mec, elle se laisse entraîner au Disco Harem, une boite de nuit très festive où elle rencontrera Robbie, un jeune homme très charismatique.

Par Placido, le 19 avril 2013

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Notre avis sur Les Noceurs

Les Noceurs est une BD expérimentale. Et réussie. Car Brecht Evens ne se contente pas d’exploser les codes du genre de la plus belle des façons, il explore aussi de nouveaux chemins pour raconter une histoire. Car à quoi bon dessiner avec beaucoup de talent si on n’a rien à raconter ? C’est ça Les Noceurs : une liberté graphique incroyable au service d’une histoire cool de gens qui font la fête.

Chaque page est une explosion de couleurs, une profusion d’aquarelles, notamment lors des scènes au Disco Harem, la boite de nuit où le très populaire Robbie a établis ses quartiers. On a tantôt affaire à un gaufrier bien délimité, tantôt à un joyeux bordel de dessins non délimités s’enchevêtrant, voire un seul dessin sur les deux pages. Pas une seule n’est sur le même modèle. Mais ces variations de mise en scène sont savamment utilisées pour changer l’ambiance et le ton. On passe de la solitude un peu mélancolique et sombre à la fête outrancière multicouleur, en passant par un intimisme érotisé dessiné de façon très épuré aux crayons de couleur.
Et toujours cette couleur, qui vient même jouer un rôle narratif, chaque personnage ayant la sienne, bien reconnaissable lorsqu’il parle. Dès lors, pourquoi s’embarrasser de bulles ?

Une autre facette du talent de Brecht Evens, c’est de raconter les gens. Raconter leurs comportements, leurs conversations, leurs rapports aux autres… Ce n’est pas forcément très optimiste ou heureux, notamment au début, à la soirée de Gert où chacun fait semblant de s’intéresser à l’autre, où tout le monde s’ennuie ferme en attendant inutilement ce Robbie tant aimé. Et quand on apprend qu’il ne viendra pas, ben on se casse. On retrouvera ce sentiment de déception à plusieurs reprises. De la déception car il y a aussi beaucoup d’espoir et d’attente vis-à-vis des autres. La fête et l’alcool en réponse de tout ça. Et ce Robbie qui semble flotter au dessus de tout ça, inatteignable. Comment se sent-il au juste ?

Décrochant le prix de l’audace au FIBD 2011, Les Noceurs surprend, interpelle, réjouit, enthousiasme, enivre. C’est nouveau. C’est un gros coup de cœur.

Par Placido, le 19 avril 2013

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