N'embrassez pas qui vous voulez

Qu’un enfant profite d’une sortie scolaire au cinéma pour tenter d’embrasser sa camarade, quoi de plus innocent? Que la camarade proteste bruyamment en pleine séance, quoi de plus attendrissant? Sauf lorsque la scène se déroule dans un pays subissant la dictature soviétique, pendant la diffusion d’un film de propagande à la gloire de Joseph Staline…
Cet acte manqué va marquer le début des ennuis pour Viktor, convoqué dans le bureau du directeur. Sous la pression de l’institutrice qui mène un véritable interrogatoire au sein de sa classe, et la peur instaurée par le régime, le jeune écolier va être lâché progressivement par ses camarades qui évoquent les activités intellectuelles de son père.
Intrigué par ces révélations et mué par la volonté de mettre la main sur des écrits interdits et faire arrêter leur auteur, le directeur contraint Viktor à lui ramener, dès le lendemain, un des poèmes que son père rédige en ce moment même.
Comment un simple baiser va t-il chambouler la vie de tous ces protagonistes? Viktor va t’il vraiment livrer son père aux autorités? Que cache réellement la soumission au régime du directeur et de la camarade Maria ? C’est ce que vous découvrirez dans les pages de "N’embrassez pas qui vous voulez".

Par Matt, le 19 août 2012

Lire les premières pages de N’embrassez pas qui vous voulez

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2 avis sur N’embrassez pas qui vous voulez

N’embrassez pas qui vous voulez est un enjeu en soit pour Marzena Sowa. La jeune scénariste a en effet connu une reconnaissance immédiate dans le milieu de la BD grâce à la bande dessinée Marzi, largement inspirée de son enfance en Pologne pendant l’ère communiste. Cette fois, elle s’attaque en compagnie de Sandrine Revel, auteur entre autres de "Un drôle d’ange gardien" publié chez Delcourt, au difficile exercice du "One Shot" de fiction.

D’entrée de jeu, la couverture de l’ouvrage plante le décor et met en scène le geste innocent du personnage principal, Viktor, qui tente d’embrasser Agata, sous les yeux réprobateurs du "petit père des peuples", le dictateur Joseph Staline.
Une fois tournée, la couverture laisse place à un récit captivant de 96 pages qui va entraîner le lecteur au coeur de la société polonaise, entre la crainte du régime totalitaire, de la police, et la volonté malgré tout de vivre et de laisser s’exprimer à tout prix, quoi qu’il en coûte, sa liberté de penser.

Le baiser, acte pourtant insignifiant dans notre société moderne, va constituer un véritable déclencheur et mettre en branle tout un engrenage complexe, où chaque personnage secondaire joue un rôle important. Chacune des personnes mise en avant durant la première scène de l’album va être entièrement mise à nu par les auteurs. Tour à tour, le lecteur va découvrir la culpabilité que ressentent Konrad, Agata et Piotr, pour avoir dénoncé leur camarade à l’institutrice, les doutes de l’institeur quant au bienfondé du régime, les penchants sexuels interdits de l’institutrice, mais aussi la dure réalité de l’époque avec les arrestations arbitraires perpetuées par la police, les disparitions subites et inexpliquées, les interdis ou la simple peur du lendemain… Tout cela va être raconté en gardant à l’esprit, comme fil conducteur, la difficile situation dans laquelle se trouve Viktor : devoir produire sous 24 heures un poème rédigé de la main de son père, au risque de trahir les aspirations révolutionnaires et les envies de liberté de celui-ci.

N’embrassez pas qui vous voulez est réellement un récit à deux visages que tout semble opposer, et qui poutant se marient si bien : un aspect historique lourd de sens avec des passages parfois très "durs" d’une part, mais d’autre part une véritable poésie incarnée non seulement par des envies de liberté, mais aussi par l’espoir, l’innocence et l’imagination des enfants mis en scène.

Ce récit ne serait rien sans l’incroyable travail de Sandrine Revel qui, grâce à son trait sûr, ses lignes claires et ses couleurs directes à l’aquarelle, a réussi à créer de véritables atmosphères et traduit de manière aussi juste qu’efficace les émotions qu’a voulu faire passer Marzena dans son scénario. Au delà de la fiction, cette BD est donc aussi l’histoire d’une rencontre entre deux auteurs de talent.

Pour finir, l’ouvrage est très largement enrichi par un dossier documentaire de 6 pages qui présente non seulement des croquis, storyboards et autres recherches de personnages menées par Sandrine Revel, mais également un récit très détaillé du voyage que les deux auteurs ont effectué ensemble en Pologne, afin de cosigner ce que l’on pourra aisément qualifier comme l’une des plus réalisations de l’année en matière de bande dessinée.

Par Matt, le 19 août 2012

J’ai découvert cet album sur les conseils de l’ami Matt. Autant être clair, je ne connaissais pas forcément les auteurs, j’y suis donc allé l’esprit vierge de tout à priori, sans attente particulière.
Et je n’ai pu lâcher cette lecture jusqu’à la fin.
Non seulement elle m’a séduite par la finesse et la délicatesse des caractérisations, mais surtout j’avoue que le graphisme très subtil et épuré de Sandrine Revel m’a conquis.

Évidemment, tout démarre sur une sorte de malentendu, un vague prétexte pour rompre avec les interdits, pour tenter de trouver un espace d’intimité. Et ce geste avorté va servir de déclencheur pour mettre en avant un cadre très tendu et une réalité sociale qu’on croirait appartenir à une autre planète ou à un temps depuis longtemps relégué aux livres d’histoire.
Ce petit geste, ces lèvres tendues, ne sont guère donc, que le révélateur d’un malaise, d’une perte de l’essentiel qui pousse les gens à trouver scandaleux un simple baiser d’écolier.
Et très vite le récit va s’engouffrer dans ce constat en développant cette tension et en élargissant l’angle de vue au microcosme qui entoure le petit Viktor, Agate, leurs amis, leurs parents, et même leur professeur… C’est l’occasion pour Marzena SOWA d’amener une critique très dure sur le communisme made in Pologne et sur l’esprit dissident qui s’immisce naturellement par le biais de l’Art, la poésie, l’expression, l’imagination.

Néanmoins, même si j’ai beaucoup aimé cette lecture je dois bien admettre que le fond perd en finesse avec cette chape de plomb communiste qui imprègne tout l’album, d’autant que la scénariste ne nous épargne aucun gros poncifs dans sa démonstration, tendant presque vers la caricature (même si en effet dans la réalité…).
Très vite, la dénonciation, pourtant nécessaire, devient quelque peu redondante, comme pour insister encore et encore sur cette mélasse ou s’embourbent tout les protagonistes qui n’arrivent même pas à simplement s’exprimer librement chez eux…

Le propos ne gagne en relief que lorsque les deux auteurs arrivent à construire des moments plus fins, plus intimistes avec les petits. Et c’est ces séquences très touchantes qui donnent réellement toute l’épaisseur et la subtilité au récit. La toute dernière scène, par exemple, venant appuyer sur le fait qu’en fin de compte, et malgré tout, ce qui reste important c’est les enfants et leurs sentiments.

Un très bel album qui arrive à lier un esprit intimiste avec un regard dur sur une réalité sociale castratrice. Du très bon boulot, très vivement conseillé !

Par FredGri, le 20 août 2012

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