Monstres

Lorsque Bobby Bailey vient s’engager dans l’armée, il n’a plus rien qui le retient, ni famille, ni travail, ni même le moindre ami, il espère juste pouvoir servir son pays. L’agent de recrutement, le sergent McFarland, comprend bien qu’il a devant lui le spécimen parfait qui pourra servir les desseins d’un mystérieux programme top secret appelé le "projet Prometheus" qui recherche justement des jeunes recrus sans attache.
Prométheus est dirigé par le colonel Friedrich, un réfugié nazi, récupéré par l’armée. Sans attendre, il débute ses manipulations génétiques sur Bobby qu’il transformant progressivement en une créature monstrueuse.
Petit à petit, McFarland culpabilise, il repense au jeune homme qu’il a dirigé vers ce projet douteux, il ne supporte pas l’idée de l’avoir entraîné dans une situation dont il ne saisit pas lui-même les tenants et aboutissants. Dès le moment ou il informe le colonel de ses doutes, ce dernier voit en lui une menace et envoie ses agents pour le tuer. McFarland a néanmoins le temps de libérer Bobby qui erre dans la nature, torturé par ses souvenirs, par l’histoire de sa famille, sa mère et son père violent…

Par fredgri, le 5 novembre 2021

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Notre avis sur Monstres

Rendez-vous compte !
Ce "Monstres" que vous tenez entre les mains nous est parvenu au prix d’une incroyable suite de rebondissements éditoriaux qui ont débuté au début des années 80, quand Barry Windsor-Smith propose son histoire initiale à Marvel. Il y proposait d’étudier la relation entre Bruce Banner et son père, afin d’expliquer les traumas qui se sont ensuite manifestés par l’apparition de la créature verte. L’éditeur hésite, les dialogues sont crus, l’idée révisionniste est intéressante, mais peut-être trop adulte pour une série aussi mainstream que Hulk. Pendant ce temps, le script passe entre les mains de Bill Mantlo, le scénariste qui s’occupait alors de la série sur Hulk. Le concept l’intéresse, il s’empresse d’utiliser l’idée dans ses propres scénarios, coupant ainsi l’herbe sous les pieds à Windsor-Smith. Ce dernier, son dossier sous le bras, se tourne vers DC qui se prépare à lancer son label Vertigo, puis Dark Horse. Il a complètement remanié son projet en éliminant toutes les références à l’univers Marvel. Après quelques déconvenues il finit par se tourner vers Fantagraphics avec qui il commence à créer des liens solides ! "Monstres" a évolué, c’est devenu un pavé de plus de 370 pages, en noir et blanc, complètement indépendant de l’idée originale. Une éblouissante démonstration qui a failli n’être qu’un énième numéros au milieu d’une série Marvel…

Et s’il est important de mieux connaître cette histoire c’est surtout parce qu’elle nous permet de mieux comprendre les premières intentions, son mécanisme, les petites références qui se sont glissé deçi delà. Malgré tout, "Monstres" demeure le Magnus Opus de Barry Windsor-Smith, son œuvre ultime qui impose sa virtuosité graphique à chaque page !!! Le volume nous entraîne dans les méandres d’un récit mosaïque particulièrement bien écrit très immersif ! L’artiste est alors au sommet de son art, nous plongeons immédiatement dans des cases en noir et blanc sublimes, avec un encrage très fin, nourri de mille et un petit traits qui dessinent les volumes, les ombres, les expressions. Peut-être ne faisons plus vraiment attention aux mots, nous nous laissons porter par cette évocation cauchemardesque de l’histoire familiale du jeune Bobby… Extrêmement émouvant !
Puis nous suivons le jeune Bobby qui vient s’engager, mais qui tombe dans un véritable traquenards infernal qui va définitivement tout changer pour lui. Désormais il n’y a plus de rémission, il devient l’utime victime résignée. Il y a pourtant le sergent McFarland qui regrette de l’avoir entraîné dans cette histoire. Puis l’officier Jack qui est jadis tombé amoureux de la mère de Bobby, qui aurait pu intervenir, tout aurait été si différent, mais il n’a su réagir à temps pour lui permettre de s’échapper, avec son fils, des griffes de ce mari revenu de la guerre, la tête pleine de traumatisme qui vont l’entraîner dans une spirale de violence.
Personne n’a vraiment su protéger Bobby, en l’éloignant de cet engrenage qui va le broyer.

Windsor-Smith creuse tous les aspects de la vie de Bobby, nous naviguons dans le passé, nous assistons au quotidien de Jen, sa mère qui ne reconnait plus l’homme qu’elle aimait dans cet homme qui se cache derrière une façade de violence alcoolisée pleine de haîne pour elle et leur fils qui subit les coups. On découvre aussi la famille de McFarland, sa femme qui aimerait l’aider à se libérer de cette culpabilité qui le ronge, ou encore sa petite fille, Nina, qui a le don de pouvoir parler aux esprits…
Un fascinant scénario, très intense et profond, qui brosse un ensemble de portraits extrêmement fins et touchants !
Barry W. Smith démontre une nouvelle fois qu’il peut aussi être un scénariste inspiré qui prend son temps, tout au long de ces nombreuses planches, pour développer ces micro-récits jusqu’à cette fin absolument magnifique !

Monstres arrive chez Delcourt et se démarque très nettement au milieu des sorties de cette rentrée 2021 !
S’il y a vraiment un album à lire en ce moment c’est celui-ci.
Déjà un indispensable qui ne devrait pas vous laisser indifférents !

Par FredGri, le 5 novembre 2021

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