Monsieur Jules

D’un abord plutôt renfrogné, le vieux Jules n’en est pas moins attentionné vis-à-vis de ses deux vieilles racoleuses que sont Solange et Brigitte avec lesquelles il vit. Exécrable quand on touche aux affaires de sa regrettée Marie, en particulier sa perruque et le pendentif à son effigie, le vieux proxénète ne peut s’empêcher de tout envoyer bouler. Chose faite avec Brigitte qu’il expédie sans retenue hors de chez lui. Heureusement que Solange est là pour le calmer. C’est alors qu’apparaît dans des conditions très inattendues une autre fleur de nuit, la jeune Tina. Noire de couleur, marquée par de nombreux sévices et détentrice de huit passeports, cette dernière trouble Jules au point qu’il se décide à la prendre sous son aile protectrice. Mauvais choix car les ennuis ne vont pas tarder à se manifester.

Par phibes, le 20 octobre 2019

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Notre avis sur Monsieur Jules

Ce récit qui semble se dérouler à la fin du siècle dernier au cœur d’un vieux quartier d’une ville en pleine reconstruction nous entraîne dans une fiction dramatique prenant ses bases dans le milieu de la prostitution. Sujet pour le moins sulfureux, Aurélien Ducoudray a décidé d’en faire l’évocation au travers de quelques destinées évoluant dans cet environnement.

Pour cela, nous faisons connaissance de Monsieur Jules, le personnage principal, et également de son entourage. Entre Brigitte et Solange, ses deux colocataires tapineuses, De Souza le voisin jardinier et bientôt Tina l’apprentie « coiffeuse », le vieux proxénète bourru est appelé à vivre des moments qui vont définitivement marquer son existence. A cet égard, Aurélien Ducoudray nous dévoile un personnage qui, malgré ses humeurs, se révèle attachant. Certes tourmenté par la vie, ce dernier n’en est pas moins volontaire quand il s’agit de défendre l’opprimé.

C’est dans des tons modulants que le scénariste fait avancer son histoire. A l’appui de dialogues ciselés et surtout d’un beau travail humaniste en profondeur, il nous décrit l’univers de Jules où tout le monde se côtoie avec une certaine sympathie, une complaisance à l’ancienne qui favorise les échanges. De fait, on se laisse prendre par cette légèreté ambiante, sans savoir que l’apparition de Tina va provoquer un revirement total de situation. Emotionnellement, Aurélien Ducoudray nous tient en haleine avec une réelle efficacité et frappe fort sans possibilité de retour lorsqu’il oppose à Jules un autre univers, complètement déshumanisé.

A l’instar de son scénariste, Arno Monin fait aussi impression. Le travail pictural qu’il réalise à la faveur d’un trait d’une très belle sensibilité qu’il a su entretenir depuis L’envolée sauvage, et que l’on retrouve dans L’adoption. Grâce à des aspects de crayonnés appuyés, l’artiste nous offre des illustrations généreuses, jouant sur la bonhommie des personnages, sur la richesse des décors urbains mais aussi, grâce à des effets appropriés de lumière, verser dans une toute autre réalité, plus cruelle.

Une superbe histoire dramatique portée par deux artistes qui ont su s’emparer avec une très grande justesse d’un sujet sensible et vieux comme le monde.

Par Phibes, le 20 octobre 2019

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